De par la solidité de nos institutions et la vigilance soutenue de nos concitoyens, notre pays le Sénégal vient à nouveau de réaliser une transition démocratique par le biais du bulletin de vote.
Le contexte
Malgré les soubresauts qui ont traversé le pays ces trois dernières années, avec un climat politique délétère et des tensions sociales de nature assez particulières, nous nous sommes retrouvés sur nos pieds pour élire dans le calme et la lucidité le Président de notre État-Nation le Sénégal.Un honneur et un prestige en terre Africaine mais surtout la victoire de la sécurité et du mieux vivre ensembe au regard de l’environnement qui prévalait. Le contexte dans lequel s’est déroulé l’élection présidentielle de mars 2024 et la transition qui s’en est suivie sont, au demeurant, assez particuliers et méritent toute notre attention.
Coopération et partenariat
-La situation géopolitique dans le Sahel, notre première ceinture de sécurité n’est pas des plus reluisante avec en soubassement les tensions au sein de notre organisation de coopération sous régionale, la CEDEAO, qui ont entrainé le retrait de trois pays membres (le Mali, le Burkina Faso et le Niger).
-La porosité de nos frontières ainsi que le spectre djihadiste, l’infiltration grandissante des narcotrafiquants et la multiplication de la saisie des faux billets nous interpellent tous. Les récents évènements de Médina Gounass suscitent aussi beaucoup d’interrogations.
-Nos relations avec l’Union Européenne et particulièrement la France, ancienne puissance coloniale et premier fournisseur de biens (12% de parts de marché en 2023) sont marquées par un climat de méfiance réciproque et ponctuée d’interrogations quant aux orientations futures de notre collaboration aussi bien sur le plan multilatéral que bilatéral.
Les urgences sur le plan intérieur
-Les nouvelles découvertes pétrolières, gazières et minières, les préparations en vue de leurs exploitations imminentes, la volonté des nouvelles autorités d’auditer certains de ces contrats et la préparation des nouveaux contrats posent autant de questions que de réponses claires.
Les problèmes sécuritaires sont réels mais les chantiers de la gouvernance sont tout aussi interpellatifs et les exigences de solutions multiples. Entre autres défis :
-Le nécessaire besoin de réadapter et de consolider notre système démocratique dans toutes ses composantes. Particulièrement l’assainissement de l’espace politique avec plus de 300 partis qui dans la majorité des cas ne remplissent pas du tout leurs obligations ni vis-à-vis de l’État ni vis-à-vis des citoyens.
Le renforcement de certaines institutions et la suppression d’autres qui sont budgétivores et sans impact réel sur la bonne gouvernance. Et les Agences à côté des cabinets ministériels ?
En somme, un recadrage de notre architecture institutionnelle qui serait mieux en phase avec nos actuelles réalités politiques, économiques, sociales et culturelles s’avère nécessaire.
-L’assainissement de nos finances publiques ainsi que l’optimisation et l’élargissement de l’assiette des recettes de l’État, la mobilisation optimale de nos ressources internes pour financer notre développement est un impératif de souveraineté.
-Corrélativement, une meilleure gestion et une répartition plus équitable des ressources nationales. Une lutte sans merci contre les excès de l’endettement extérieur et la régularisation de la dette intérieure envers les entreprises qui sont bloquées dans leurs investissements.
L’éducation et la formation
-Une réévaluation et une redéfinition des paramètres et des orientations de notre politique d’éducation et de formation s’imposent. Un “couple” essentiel dans notre volonté de créer les ruptures nécessaires pour nous inscrire dans la voie de la souveraineté et du développement. Les mouvements associatifs (culturels, sportifs et de développements) doivent être pris en compte dans les projets d’éducation et de formation avec des attributions et des moyens.
Si les problèmes de revalorisations salariales sont toujours en bonne place dans l’agenda des revendications des syndicats d’enseignants avec toutes les conséquences induites sur la masse budgétaire, d’autres secteurs méritent tout autant ou plus, une attention particulière.
-Au premier rang desquels figure l’urgente nécessité d’un grand « Set Setal » du cadre de vie et d’exercice des apprenants et des enseignants. Il est inadmissible que nos établissements scolaires se trouvent dans des états de vétusté aussi criards avec tous les aléas que cela impliquent dans le référentiel de nos apprenants. L’esthétique combinée à un environnement apaisé sont des facteurs réels de performance.
-Le contenu des programmes, la place des langues nationales, les quantums horaires, les formations initiales et continues des enseignants et auxiliaires sont autant de questions qui demandent des réévaluations minutieuses et des réponses adéquates.
La santé et le social
-La mise à niveau du plateau médical et de la carte sanitaire du pays est une récurrente question. Un meilleur accès aux soins pour l’écrasante majorité de nos compatriotes pose toujours problème. Ainsi que les équipements de nos structures de santé.
-La formation et le renforcement des compétences des personnels de la sante méritent également une attention. À qui doit revenir la prérogative déléguée par l’État de pouvoir former, quels contenus, quel profil de formateur, quels quantums horaires et le contrôle ?
-De la nécessaire intensification et du renforcement des sanctions contre les fraudes de médicaments. Un cadre règlementaire plus rigoureux et un contrôle plus soutenu des publicités ayant un impact sur la santé publique sont plus que des bienvenus. N’importe qui peut vendre n’importe quoi sans caution scientifique ou réglementaire.
-Enfin, les coûts exorbitants de la vie, entre autres les prix des denrées de premières nécessités, les loyers et les frais de scolarité et de transport sont de véritables goulots d’étranglement pour les familles.
Un tel agenda de gouvernance, sans pour autant être exhaustif, est une demande pressante du peuple sénégalais et reflète parfaitement le pourquoi du choix porté sur Monsieur Bassirou Diomaye Faye comme 5e Président de la République du Sénégal. Un vrai élan populaire a soutenu son élection avec un taux de 54,28 % des suffrages exprimés et au premier tour.
Par où commencer ?
Face à un chantier aussi ambitieux qu’exigeant en termes de priorités à dégager, d’arbitrages à faire et de décisions à prendre dans les délais les plus brefs, que vient faire l’idée d’une mosquée au palais de la République dans l’agenda de la République ? Est-ce une priorité ? L’idée d’un tel projet est portée par notre compatriote Cheikh Oumar Diagne, nouvellement nommé Ministre conseiller Directeur des moyens généraux à la présidence de la République.
La présidence de la République est à la fois la résidence principale et le lieu de travail du Président de la République symbole le plus élevé de nos institutions et garant de notre constitution.
Laïcité et Démocratie
Cette même constitution du Sénégal révisée en 2016, stipule dans son article premier : « La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinctions d’origine, de race, de sexe, de croyances, de religions. Elle respecte toutes les croyances ».
L’interprétation de cet article premier de la constitution nous renvoie à deux piliers fondamentaux de la laïcité selon les constitutionalistes :
-1) La séparation des pouvoirs temporel et spirituel et son corollaire le principe de neutralité de l’administration.
-2) La liberté de conscience qui inclut celle de l’exprimer et de la vivre à sa manière dans le respect des lois et règlements.
Ce principe de neutralité de l’administration doit être incarné en premier lieu par le chef de l’État lui-même garant des équilibres au niveau de notre État-Nation. Et tous ceux qui sont hiérarchiquement sous sa responsabilité doivent observer les mêmes principes.
L’égalité devant la loi, comme le stipule l’article premier de la constitution, n’exigerait-elle pas l’érection d’autres types de lieux de cultes au palais de la République si des travailleurs d’autres confessions religieuses en faisaient la demande ? Ou bien le Sénégal est-il une République islamique et encore ?
Du rôle régalien du Président de la République
La présidence de la République est au demeurant et de toute évidence, le centre névralgique de l’État du Sénégal d’où émanent toutes les décisions importantes sur la sécurité intérieure et extérieure du pays.
Les différentes décisions qui concernent les 18 millions de Sénégalais se structurent, s’organisent, s’exécutent et s’évaluent sous l’impulsion de Monsieur Le Président de la République, détenteur légitime du suffrage populaire, de ses services et des différents démembrements de l’État à travers le gouvernement et le commandement territorial.
Comment un tel lieu de travail avec de telles responsabilités s’accommodera-t-il de tout le rituel qu’exige une prière dans une mosquée « intra-muros » et de surcroît cinq fois par jour ? Des pauses d’activités s’opéreront pour un rassemblement dans un lieu désigné.
Alors que tout un chacun pouvait, s’il le veut, faire ses obligations religieuses dans son bureau, à sa convenance et à son rythme, en fonction de sa charge de travail.
Le citoyen sénégalais et musulman qui va à l’hôpital Principal et passe devant le palais de la République à l’heure de la prière peut-il tranquillement entrer et s’acquitter de son obligation comme il peut le faire en passant devant une mosquée à Castors ou à Guédiawaye ? Non, bien évidemment pour des raisons évidentes de sécurité.
Donc, voilà un aspect discriminatoire qui empêche la liberté de culte incluant la possibilité de vivre sa religion, de la pratiquer et de l’exprimer selon ses choix dans le respect des lois et règlements. Un des deux piliers de la laïcité consacrés par la constitution de notre pays.
De l’exercice de la démocratie
En référence à l’analyse de constitutionalistes, en dehors du principe de l’élection des représentants du peuple à échéance régulière, la démocratie fait également appel à la séparation des pouvoirs et au respect de l’État de droit.
Un principe qui repose à son tour sur la hiérarchie des normes (primauté de tel bloc de pouvoir sur tel autre) ici en l’occurrence la constitution, la soumission de l’État a son propre droit et enfin la protection des droits et des libertés fondamentaux aussi bien individuels que collectifs.
Un lieu de culte doit-il alors être réservé à une catégorie de personnes ? La vocation publique et démocratique d’une mosquée, son caractère populaire, égalitaire, non discriminatoire et son ouverture à tout pratiquant seront-ils mis en veilleuse au profit d’un lieu de culte réservé exclusivement à des VIP de par leurs fonctions et de par sa localisation ?
Quel peut être le rapport entre une prière qui peut s’effectuer ailleurs avec le maximum de recueillement possible et celle effectuée dans un centre de commandement ou les exigences de sécurité et de de prise de décisions urgentes concernant la vie de 18 millions de Sénégalais peuvent être en jeu à tout moment ?
Les exégètes de l’Islam, dont Mr Diagne lui-même, pourront nous éclairer dans ce sens et répondre à certains de nos questionnements ?
Les enjeux sécuritaires
En effet, beaucoup d’aspects sécuritaires sont consubstantiels à la réalisation d’un tel projet. Les responsables chargés de la sécurité du pays aussi devraient pouvoir nous éclairer sur le niveau de pertinence d’un tel projet, si toutefois sa mise en œuvre est avérée.
Enfin, je dirais tout simplement à Mr Cheikh Oumar Diagne : « Vous occupez, à travers la confiance de Monsieur Le Président de la République Bassirou Diomaye Faye, des fonctions stratégiques très importantes qui exigent de la concentration et des postures autres que celle de s’installer sur des sujets polémiques qui en plus cristallisent des antagonismes ».
L’élégance républicaine voudrait aussi que la primeur d’une telle annonce revienne à Monsieur Le Président de la République, principal résident et « Borom Kër » du Palais que lui a confié le peuple sénégalais.
Après 64 ans d’indépendance, il n’est plus permis de toujours remettre à demain l’émergence du Sénégal.
À chaque transition démocratique, reviennent les mêmes discours sur la souveraineté alimentaire, la sécurisation de nos frontières, les détournements de deniers publics, l’insécurité intérieure et les grèves interminables qui paralysent et rendent peu performants beaucoup de secteurs de la vie nationale.
Quel que soit le parti au pouvoir, il est temps que les polémiques stériles et la surenchère politique fassent la place à un engagement citoyen et républicain pour faire avancer la construction nationale et la consolidation de l’État de droit.
Mobilisons-nous tous ! Tout un chacun dans son domaine avec toute la rigueur nécessaire, sans complaisance, ni concessions sur les principes mais avec loyauté, sérénité et respect./.
Amadu Njánd Faal