Même si chacun a tenté se défausser sur les autres, le quotidien Libération ébruite, dans sa livraison de ce lundi, «l’avant-dernier volet» de ses révélations sur la chute de la maison Bougazelli.

Ce 13 novembre 2019, l’entrepreneur Mamadou Diop, né en 1990 à Thiakhar, franchit le portail du King Fahd Place, valise en main. Au fond de lui, il est «fier» du coup qu’il allait réussir dans les prochaines minutes. Tout a été calé dans les moindres détails et le client, qui se veut très discret, a même réservé une chambre dans l’hôtel. Il ne regrette pas, alors pas du tout, d’avoir été présenté à Seydina Fall Bougazelli par Oumar Samb. Car, dans sa valise, Mamadou Diop transporte un million de dollars en billets noirs que lui a donné Samb. Le client a accepté de payer 120 millions de Fcfa pour cette marchandise de qualité.

Un «target» au King Fahd Palace

Mamadou Diop, bien sapé, prend l’ascenseur pour monter dans la chambre du client, sise au cinquième étage. Il ne savait pas, en ce moment, que la majorité des «clients» qu’il a croisés dans le hall sont des agents de la Section de Recherches qui l’avaient en «visuel». C’était lui le «target» pour parler comme les équipes de recherches. Car son fameux client est R., un agent infiltré, longtemps entraîné à se fondre dans n’importe quel décor. Un caméléon. Lorsqu’il frappe à la porte du client, Mamadou Diop passe directement aux choses sérieuses et sort la marchandise. Le signal est lancé : l’agent infiltré se «découvre» avant que les renforts n’arrivent.

Aveux sur Pv à la Section de Recherches

En quelques secondes, la vie de ce fils d’un grand notable de la ville sainte de Touba venait de basculer. Interrogé sur place, après s’être vu notifier son droit de se faire assister par un conseil, Mamadou Diop balance tout le monde : Mallé Diagne, Khalifa Ababacar Dia, Ousmane Dione alias Nguess, Oumar Samb -qui aidera les gendarmes à coincer en flagrant délit Bougazelli- mais aussi Moussa Ouedraogo qu’une équipe de la Section de Recherches est allée cueillir à Liberté III.

«Dave» : «Je voulais gagner 15 millions… Ma mère m’avait conseillé…»

Lors de son interrogatoire à 21 heures, «Dave» révèle : «(…) J’ai connu Khalifa Dia il y a de cela six ans. On était juste amis, mais on ne se fréquentait pas. Il m’a présenté au mois d’octobre à Oumar Samb. Eux deux sont venus me voir pour résoudre une affaire de virement bancaire. Mais, il restait un accord entre Oumar et le banquier. Sachant que mon père fait partie des notables de Touba, ils m’ont demandé d’intervenir auprès de lui pour des prières. Après cela, ils sont revenus chez moi pour me proposer de laver des billets de banque. Il y avait 550 billets de 100 euros et de 50 euros. En contrepartie, je devais leur remettre 5 millions de Fcfa. J’en ai fait part à ma mère qui m’avait conseillé de ne jamais entrer dans ce genre d’affaire. On s’est revu le jour où je devais leur verser l’argent. Mais, je n’ai pas honoré mes engagements. Je leur ai demandé d’attendre».

«Dave» continue son récit : «Quelques temps après, j’ai reçu un appel de «Nguess» qui m’a déclaré connaître une fille qui a une machine pour laver des billets noirs. Il m’a dit que c’est Oumar Samb et Khalifa Dia qui l’ont mis en rapport avec moi. J’ai reçu par la suite un appel de «Nguess» qui m’a parlé d’un client qui avait besoin billets noirs. J’ai accepté et c’est au moment de la transaction que j’ai été arrêté». Avant de «s’excuser», «Dave» jure qu’il voulait juste «gagner» 15 millions de Fcfa.

«Nguess» : «Une affaire qui pourrait être bénéfique pour nous…»

«Nguess» ne dit pas le contraire, mais relativise. «Je vais vous raconter la genèse des faits», glisse-t-il sérieusement aux gendarmes. Avant de se lâcher : «Malé Diagne et moi sommes des amis de longue date. D’ailleurs, nous partageons le même quartier à Ouakam. Un jour, il m’a informé d’une affaire qui pourrait être bénéfique pour nous. Un de ses amis voulait un contact pour acheter des billets noirs. C’est ainsi que j’ai activé «Dave», qui est dans ce milieu, pour le mettre en rapport avec le client. C’est après la transaction que j’ai été arrêté». Même s’il reconnaît partiellement les faits, «Nguess» tient à faire une précision : «Ma mission s’est seulement limitée à les mettre en rapport».

Malé Diagne : «Je devais gagner 5 millions dans l’opération»

Malé Diagne n’est pas d’accord : «Au début du mois de novembre 2019, j’ai été contacté par un homme d’affaires qui m’a dit qu’il s’activait dans le trafic de billets noirs. Il m’a demandé de lui trouver quelqu’un qui pourrait lui trouver une grosse somme en billets noirs. Je l’ai mis en rapport avec «Nguess» qui s’active dans ce domaine. Depuis lors, je n’ai plus de leurs nouvelles, ils traitaient ensemble à mon insu. Ce n’est que ce 13 novembre qu’il m’a appelé pour que je l’accompagne au King Fahd Palace le temps qu’il rencontre le client. Nous sommes montés au cinquième étage et les gendarmes ont surgi des toilettes».

Avant de terminer son audition, Malé Diagne balancera un clin d’œil meurtrier à ses «amis» : «Je suis souvent avec eux, mais j’ignorais qu’ils s’activaient dans le trafic de faux billets». Quid de Khalifa Dia à qui Oumar Samb avait remis des billets noirs qu’il dit avoir acheté auprès de Bougazelli ? «J’ai connu Oumar Samb dans le milieu du business. On a longuement cheminé ensemble. Au début du mois de nombre 2019, il m’a demandé un service. Le travail consistait à jouer le rôle de mandataire, entre lui et Mamadou Diop, concernant une affaire de faux billets de banque. Je devais gagner 5 millions de Fcfa dans l’opération. Lorsque j’ai rempli ma mission, je suis rentré chez moi. Ce 13 novembre, Mamadou Diop m’a appelé pour me fixer rendez-vous au niveau du carrefour de Ouakam pour me remettre un colis pour Oumar Samb. C’est là que j’ai été arrêté».