Démissionné par Crédit Suisse, Tidiane Thiam, premier noir à la tête d’une banque helvétique, avait deux défauts : trop français et pas assez clair. Pour le reste, on n’avait rien à lui reprocher.
Vu de Suisse romande, la démission du Ceo de Crédit Suisse, Tidiane Thiam, n’a pas le même impact qu’en Suisse alémanique, où le Crédit Suisse a son siège à Zurich. Certes les Romands ont pu faire connaissance récemment avec ce banquier de haut-vol dans l’émission «Pardonnez-moi» de Darius Rochebin. Ils ont sans doute découvert un personnage plutôt sympathique. Au moment de sa nomination, en 2015, son origine africaine avait créé une surprise, pour ne pas dire un choc. Comme Barack Obama à la présidence des États-Unis, on n’avait jamais vu un noir diriger une banque suisse, qui plus est la seconde en importance. Mais, le choix était bon. Tout le monde admet -et en premier ceux qui l’ont poussé dehors- que le nouvel homme fort a redressé et dépoussiéré la banque helvétique durant quatre ans. Alors quid ? Cela ne veut pas dire que le directeur général s’est fait beaucoup d’amis. Tidiane Thiam est franco-ivoirien. Dans la mentalité alémanique, cela peut constituer un double obstacle à son intégration à un haut niveau.
Un écart entre la banque et son public
Que la deuxième grande banque suisse soit dirigée par un Français suscite déjà une réticence épidermique des milieux économiques helvétiques. Ensuite, la couleur de la peau est, plus ou moins consciemment, un élément dérangeant dans un milieu où tout le monde est blanc. Jusqu’à l’affaire de la filature, les compétences de l’homme avaient cependant fait taire ces petites voix intérieures. La «Neue Zurcher Zeitung» (NZZ), qui a fait campagne ces dernières semaines contre Tidiane Thiam, se félicite aujourd’hui qu’il soit remplacé par quelqu’un de moins voyant, de moins coloré dans la grisaille des éminences de la Bahnhofstrasse : «Contrairement à Thiam, qui n’avait aucun lien avec la Suisse, écrit-elle, son successeur, Thomas Gottstein, connaît le pays et ses habitants. Il devrait permettre de combler l’écart entre la banque et le public qui s’est creusé ces dernières semaines et ces derniers mois.» Un écart qui a surtout été entretenu pour obtenir sa démission. À moins que ce soit pour qu’il retourne en Côte d’Ivoire, où certains verraient bien Tidiane Thiam en Président !