«Liggéey rekk moo wóor» (Seul le travail est sûr). Proverbe Wolof

L’Association pour la promotion des descendants de Medoune Paye Madjiguene Ndir a organisé, le 25 janvier 2020, la 2e édition de la journée de l’excellence à l’occasion de laquelle 40 jeunes, garçons et filles, du primaire et du secondaire, ont été célébrés. La journée, placée sous la présidence effective du Sëriñ Ndakaaru Ablaye Makhtar Diop, avait comme parrain El H. Amadou Assane Ndoye, dont la vie a été donnée en exemple aux jeunes récipiendaires. Voici le portrait sommaire d’un bon père de famille et d’un entrepreneur hors pair que j’ai tiré de la biographie figurant sur la plaquette de présentation de la journée, de la brillante allocution de Youssoupha Ndoye, représentant de la famille à la cérémonie officielle de la dite journée, et des confidences de son fils, Adath, et de son petit fils et homonyme, Assane, fils d’Adja Arame Ndoye.

El Hadj Amadou Assane Ndoye est né le 26 juillet 1890 à Dakar, soit 33 ans après que Protet ait planté le pavillon français en terre dakaroise. Il est le fils de l’Imaam Raatib Assane Ndoye et de Bineta Sylla qui est la petite fille de Makhtar Sylla Kheury Diop, lui-même Imaam Raatib de Dakar et Sëriñ Ndakaaru intérimaire de 1830 à 1831. Il est décédé le 4 juillet 1974 et repose à la Mosquée de Sanjaal face à son domicile familiale au 80 avenue William Ponty où il sera rejoint une dizaine d’année plus tard par son épouse Adja Aissatou Sylla, dite Foos Sylla. Dès sa sortie de l’enfance, Amadou Assane NDoye reçut une éducation coranique d’abord à l’école de son père, puis, en 1909, à la Médersa de Saint-Louis qui avait remplacé, une année auparavant, l’école des fils de chefs et d’interprètes créé par Faidherbe en 1855 sous le nom « école des otages ». A la fin de sa formation, il exercera, tout naturellement, le métier de maître coranique et guide spirituel.

Lorsqu’éclata la Première Guerre Mondiale, il fut enrôlé dans les troupes métropolitaines, avec plusieurs milliers de ressortissants des quatre communes dont faisaient partie les jeunes Papa Gueye Fall (parrain des ex allées Coursin et de l’institut qui s’y trouve), Ibrahima Diop et Ismaila Gueye qui deviendront respectivement Sëriñ Ndakaaru et Ndeyi Jàmbur et bien d’autres de leur génération. A la capitulation de l’Allemagne, Amadou Assane Ndoye revint au Sénégal avec la Croix de Guerre et épousa alors Sokhna Oumou Khaïry Sy, fille d’El-Hadji Malick Sy et petite-fille de Mor Massamba Diery Dieng. De cette union naquit Mohamed Chams Eddine Ndoye, Ambassadeur du Sénégal au Proche et Moyen-Orient de 1976 à 1996, qui compte parmi ses épouses Sokhna Oumou, fille d’Abdou Aziz Sy Dabakh.

Perspicace, il perfectionna d’abord sa maîtrise de la langue Française, appris les rudiments de l’entreprenariat et se lança dans les affaires. Il fit montre d’un génie extraordinaire et d’une opiniâtreté qui étonna maints observateurs. Représentant de Renault au Sénégal, il perd son statut de représentant par défaut de soutien de la Banque Commerciale Africaine. En 1929, il créa une société de transit qui ne résiste pas à la concurrence européenne. Au lendemain de la crise économique mondiale, il prit une part active à la création du Syndicat Patronal et Artisanal de l’Ouest Africain (SYPAOA). Il se lança, en 1931, en association avec Henri Gomis, dans l’exploitation du poisson, avant de monter, avec un partenaire français, une usine de carreaux.

Lorsque la Seconde Guerre éclata, Amadou Assane Ndoye diversifia ses activités, en se lançant dans la briqueterie et la fourniture de viande à l’armée et à l’administration. L’armistice signé, il entreprit, avec Cheikh Mouhamadou Mbacké, dit Gaïndé Fatma, petit-fils de Sëriñ Tuuba, de créer une banque populaire. L’administration et les banques coloniales s’opposèrent au projet. Amadou Assane Ndoye forma alors, avec André Guillabert et Léon Boissier Palun, le projet d’une ligne aérienne intérieure. Cette initiative aussi n’eut pas l’agrément de l’administration coloniale et fut combattue et étouffée.

Sur le plan politique, Amadou Assane Ndoye, après avoir été l’allié de Blaise Diagne au Conseil Municipal, conduisit, aux côtés de Galandou Diouf, une liste d’opposition aux élections municipales du 5 mai 1929. Lorsqu’Ibrahima Sow et Henri Martin créèrent le journal indépendant, le Périscope Africain, pour la défense des intérêts de l’Afrique Occidentale Française et de l’Afrique Equatoriale Française, il les finança. Il exerça les fonctions de Conseiller Colonial, puis de Conseiller Municipal, de Conseiller Général et de Député de la Presqu’île du Cap-Vert à Dakar. Il devint partisan de Lamine Guèye à la mort de Galandou Diouf et en fut le Premier Adjoint à la Mairie de Dakar.

Il a aussi exercé, en tant qu’érudit en science religieuse et Muxadam d’El H. Malick Sy, la fonction d’Imam de la mosquée de Sanjaal et d’Imam adjoint de la Grande Mosquée de Dakar alors situé sur la rue Blanchot, actuel rue Mousse Diop. Lorsque fut lancé, en 1958, le projet de construction de l’actuelle Grande Mosquée de Dakar, sur le site d’un vieux cimetière désaffecté, il fut élu trésorier du comité d’édification présidé par Imaam Amadou Lamine Diene, avec comme membres du bureau El hadji Chams Dine Diagne, Cadi de Dakar, Thierno Amath Mbengue ex-adjoint au Maire de Dakar, Hyacinthe Camara, Souleymane Sidibe et El Hadji Ameth Diene, représentant des jeunes lébu.

A ce titre, il reçut la contribution de l’Etat du Sénégal, de la Ville de Dakar, de la communauté libano-syrienne, de la collectivité lébu, de Serigne Fallou Mbacke, Khalife General des Mourides et d’El Hadj Ibrahima Niass, dit Baye, etc. Ablaye Thiaw Laye, à l’instar de Gaïnde Fatma, était son ami et son partenaire en affaire. Serigne Babacar Sy, son ainé de 5 années qui devint khalife en 1922, était son marabout et son confident. Il fut élevé à la dignité de Chevalier de la Légion d’Honneur à titre étranger par décret du 3 mars 1948, puis promu Officier de la Légion d’Honneur par décret du 9 avril 1965, en qualité de Député de la Presqu’île du Cap-Vert à Dakar.

Mais malgré son succès dans les affaires et en politique et tous les honneurs reçus, Amadou Assane Ndoye a toujours vécu au domicile familial avec ses frères, ses sœurs et ses enfants, car il croyait fermement aux valeurs familiales. Il prônait l’entente avec les parents et les voisins, le respect du prochain et de la parole donnée, ne s’engageant et ne donnant sa parole qu’après mûres réflexions. Il était contre le gaspillage et l’ostentation et recommandait l’épargne, car, disait-il, il faut toujours être à même de régler les problèmes qui surprennent et saisir les opportunités d’affaire qui se présentent. Mais, il faut surtout travailler et investir intelligemment disait l’homme, fidèle à ses principes, qui savait aider lorsqu’il le fallait et récompenser généreusement ses enfants qui suivaient ses conseils.

Amadou Assane Ndoye recommandait l’équité et l’oubli des bonnes actions que Dieu a permis d’accomplir. Mamadou Diop, ancien Maire de Dakar, fils du Ndeyi Jàmbur Ousmane Diop Coumba Pathé, a confié à ses enfants qu’il a eu à payer de sa poche, à un moment de difficulté de l’institution municipale, les salaires des agents de la ville de Dakar. Il a construit des mosquées, dont celui de Sanjaal. Il a offert des terres, dont le terrain d’1 ha abritant le cimetière de Diass…

Après son décès, et en guise de reconnaissance, Léopold Sédar Senghor, Président de la République du Sénégal, baptisera en son nom l’ancienne rue Thiers de Dakar où se trouvait son domicile, face à l’ancienne école de commerce, Pigier, créé par Raymond Panis. Cette demeure abritait sa descendance issue d’Adja Mame Tabara Diop, petite-fille d’Ahmed Diop Gora de Saint-Louis qui accueillit le jeune Amadou Assane lorsqu’il  vint poursuivre ses études religieuses sur les rives du fleuve Sénégal et dont le centenaire du décès a été célébré en 2010. Sur cette même rue, sur le site accueillant l’Institut Islamique accolé au domicile de Serigne Babacar Sy, se trouvaient les locaux de son bureau. Plus tard l’école Thiers aussi, sur la rue qui porte son nom, lui sera dédiée. Pour rappel le site de l’école Thiers, classé patrimoine de l’Unesco, a abrité la première prison de Dakar.

ABDOU KHADRE GAYE

Écrivain

Président de l’EMAD