L’attitude protectionniste du Nigeria rend difficile l’adoption prochaine d’une monnaie commune à l’échelle de la Cedeao, souligne un rapport de l’agence américaine, qui affiche en revanche sa confiance dans la future monnaie de l’Uemoa. S&P a publié le 17 février un rapport consacré à la substitution de l’eco au franc CFA au sein de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa, huit pays) et à son extension projetée à l’ensemble de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao, quinze pays). Intitulé Entrée dans l’âge de l’éco : implications de la réforme en Afrique de l’Ouest, il entend répondre aux incertitudes nées de l’annonce de cette substitution par les Présidents Ouattara et Macron, le 21 décembre 2019. Première conclusion : la parité maintenue avec l’euro et la garantie illimitée de convertibilité par la France maintiendront la confiance dans la nouvelle monnaie. Cette garantie a permis de contenir l’inflation de 2000 à 2019 à 2 % en moyenne dans la zone Uemoa, alors qu’elle atteignait près de 10 % dans la Cedeao et quelque 16 % en Afrique subsaharienne.
« Pas d’effet immédiat sur la notation souveraine des États »
Dans cette Union, « les termes de l’échange se sont renforcés, les déficits budgétaires se sont réduits tout comme celui du compte courant et la croissance du produit intérieur brut (PIB) s’est fortement accélérée, notamment en Côte d’Ivoire et au Sénégal qui comptent pour plus de la moitié du PIB de l’union monétaire », lit-on dans le rapport. La fin du dépôt de la moitié des réserves de change des États membres de l’Union auprès du Trésor français n’inquiète pas S&P, car le taux de change fixe est maintenu. « C’est pourquoi nous estimons que cette réforme ne devrait pas avoir d’effet immédiat sur nos notations souveraines », concluent les auteurs. Autrement dit, les investisseurs n’ont pas de souci à se faire pour l’instant. Deuxième conclusion : la réalisation du projet d’étendre l’eco aux quinze membres de la Cedeao semble lointaine. « Des obstacles matériels subsistent, ce qui nous amène à considérer ce projet comme peu probable à moyen terme », estime le rapport. D’abord à cause du poids du Nigeria, car ce pays pèse les deux tiers du PIB de la Cedeao et trois fois plus que celui de l’Uemoa. Mais aussi à cause de ses politiques protectionnistes, dit le rapport : « convenir d’une politique monétaire commune entre le Nigeria et ses partenaires de la Cedeao semble donc difficile, d’autant plus que le Nigeria a récemment décidé de fermer ses frontières avec le Bénin et le Niger afin de réduire la contrebande et de soutenir la production agricole locale ».
Appel à la discipline budgétaire
Un élargissement au-delà de l’Uemoa de la garantie de la France nécessiterait en outre l’aval du Conseil de l’Union européenne après consultation de la Banque centrale européenne, ce qui n’a rien d’automatique. Enfin, l’adoption d’un régime de change flexible souhaité par la Cedeao soulèverait « des risques importants en termes de choc monétaire pour les économies de l’Uemoa, notamment pour celles qui ont accru leur recours aux emprunts en devises au cours des dernières années », affirme S&P qui rappelle les conclusion d’un de ses rapports de 2017 sur les dangers d’une dévaluation : en cas de crise de change et sans la garantie française, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Togo, qui ont beaucoup emprunté notamment sous forme d’eurobonds, verraient leur endettement croître brutalement et S&P serait obligé d’abaisser leur notation. Le rapport s’achève sur la recommandation d’améliorer fortement les recettes fiscales et sur un avertissement : « Quel que soit le régime de change que choisiront les membres de l’Uemoa, qu’il s’agisse du maintien de l’arrimage à l’euro, d’opter pour un arrimage à un panier de devises (..) ou d’opter pour un régime de change flottant, la discipline budgétaire et une politique économique forte seront d’autant plus importantes pour la stabilité économique de l’union monétaire. »