M. Ndiaye, je commence par vous féliciter, car au lieu du pseudonyme d’Abdourahmane Ndiaye derrière lequel vous vous étiez pusillanimement caché pour publier votre réponse, Les lauriers encombrants, sur le site Senego alors qu’il s’agit en fait du même texte que celui que vous avez envoyé au journal Le Quotidien affublé d’un autre titre Sur «Sonko le pharaon noir», vous voilà enfin courageusement à visage découvert sur la toile. Les internautes que l’anonymat numérique protégera nous départiront dans leurs commentaires.
À partir de maintenant, ce sera directement entre vous et moi. On ne parlera plus d’Ousmane Sonko puisque votre ferme certitude qu’il ne connaitra jamais votre « ascension », pour reprendre vos propos, fait que vous ne nourrissez aucune antipathie envers lui. Tant mieux pour votre sérénité cardiaque. La destinée individuelle des hommes, déjà tracée par le Seigneur, sera la meilleure juge. En ce qui nous concerne, nous continuerons de le soutenir et de le défendre exclusivement pour les valeurs qu’il incarne.
Pour les besoins de ce texte, on se limitera uniquement aux faits, rien qu’aux faits. J’ose espérer que vous serez suffisamment endurant pour tenir le rythme.
Tout d’abord, sachez qu’une petite recherche sur Internet vous confirmera que cela fait plus de dix ans que nous trempons notre plume pour exprimer ouvertement le fond de notre pensée sur le fonctionnement du pays. En citoyen libre et avant de nous engager activement en politique, nous dénoncions vigoureusement la prise en otage du pays par des politiciens de votre acabit, pour lesquels l’atteinte des ambitions, même les plus viles, pouvait justifier le recours aux moyens les plus pernicieux. Notre indignation, illustrée par des écrits, n’est pas récente, bien au contraire. Elle avait surtout atteint son paroxysme lorsque vous étiez le tout puissant Premier ministre de Wade.
Quelle page sombre de l’histoire sociopolitique sénégalaise vous nous forcez de rouvrir !
C’est l’époque où l’actualité était constamment tenue en haleine par des scandales économico-financiers quotidiens au point qu’un de vos acolytes libéraux dont vous partagez le même patronyme annonçait publiquement l’emprisonnement futur de la plupart des responsables du régime libéral d’alors s’il vous arrivait de perdre le pouvoir.
C’est l’époque où, comme tout puissant Premier ministre de Wade, pour garder le pouvoir, vous avez cautionné l’usage disproportionnée de la force sur des manifestants entrainant la mort d’au moins six personnes alors que celles-ci ne demandaient que le respect de la loi constitutionnelle empêchant Wade de briguer un troisième mandat.
Qui était le Premier ministre du Sénégal lors de la journée historique du 23 juin 2011 alors que le pays risquait de basculer dans un chaos total si la loi inique et cynique de vice-présidence et du quart bloquant que vous aviez soufflé à l’oreille du président était votée à l’Assemblée nationale ? C’est bien vous, pardi ! Voilà le souvenir du piètre politicien qui vient à l’esprit des Sénégalais dès que votre nom est prononcé.
Tout récemment, alors que vous pensiez avoir l’oreille de votre nouveau mentor, vous lui suggériez la folle idée de « mater » les manifestants qui dénonçaient la hausse du prix de l’électricité. Voilà la conception rétrograde et sanguinaire que vous avez du fonctionnement d’un État et que vous avez pu honteusement mettre en œuvre dans le passé lorsque la police nationale était sous vos ordres.
Éternel courtisan et flagorneur invétéré, vous avez toujours pensé qu’en distillant des conseils démoniaques et opportunistes à vos mentors successifs vous resteriez dans leurs bonnes grâces.
Pourtant, une étincelle de courage et d’ambition saine vous a traversé l’esprit un court moment de votre versatile existence lorsque vous aviez décidé de créer votre éphémère parti Union nationale pour le Peuple (UNP/Bokk Jëmù). Mais incapable de prendre votre destin politique en main, en éternel looser, vous avez préféré ravaler votre vomissure, intégrer les rangs de l’APR et vous faire placardiser PCA d’Air Sénégal par votre nouveau mentor. En dehors des lambris dorés du pouvoir, sans possibilité de corrompre les électeurs, votre échec cuisant de diriger le conseil départemental de Kaolack devant un néophyte politique doit surement continuer de vous hanter le sommeil.
En vous enorgueillissant d’avoir fréquenté l’illustre Cheikh Anta Diop pour bâtir votre argumentaire boiteux, vous poussez le ridicule jusqu’à vous demander « pourquoi le tronçon de l’autoroute à péage Ila Touba qui mène à Gawane, à Thieuytou et au-delà n’est pas encore bitumé. Il le doit pour l’honneur de l’incomparable savant et panafricaniste Cheikh Anta Diop. » Vous touchez là le summum de la fanfaronnerie et de la pédanterie. Quel manque de discernement ! Je vous rappelle que vous avez été pendant trois bonnes années à la tête d’un gouvernement sénégalais. Mille-quatre-vingt-quinze (1095) longs jours pendant lesquels vous aviez tous les pouvoirs d’un État concentrés entre vos mains. Et pourtant, pas un seul instant vous n’avez pensé honorer la mémoire de Cheikh Anta en reliant adéquatement son village avec le reste du pays ou, plus simple, en posant un simple acte étatique de haute portée en son honneur et dont la postérité pourrait se souvenir fièrement. J’aurais personnellement honte de relever ce fait qui nous renseigne à suffisance sur vos préoccupations lorsque vous aviez la chance inouïe de marquer positivement l’histoire du pays de votre empreinte.
Puisque vous tenez à ce que la jeunesse se souvienne des « belles pages » que vous auriez écrites dans l’histoire moderne du pays, rappelons parmi vos grandes réalisations le baptême de votre cheval. Le journal l’Observateur, repris par la presse en ligne, nous apprenait le 20 juillet 2011 : « Au Garage Benteigne, on ne parle que du Premier ministre. Qui, selon l’Observateur, a fêté en grandes pompes la venue au monde de son cheval qu’il a baptisé Bour Sine le 19 juin dernier. Pour la circonstance, le chef de gouvernement aurait égorgé un taureau qui sera transformé en méchoui que les pontes du régime qui ont assisté à la cérémonie ont dégusté. De la boisson, il y en avait à gogo. Mais les habitants de ce village situé à quelques kilomètres de Mbour où Ndéné a une ferme qui compte des animaux de toutes sortes n’en reviennent pas leurs yeux. Ce, d’autant plus que le village manque de tout. L’électricité, l’eau et des infrastructures sanitaires dignes de ce nom » Voilà vos hauts faits alors qu’on vous attendait pour changer la situation socioéconomique des Sénégalais.
Je ne m’épancherais pas longtemps sur votre parcours académique, même si des informations suffisamment crédibles nous font part d’un passage trop prolongé à l’UCAD vous concernant. Vous avez en effet sciemment occulté votre long détour au département des Sciences économiques où vous avez lamentablement cartouché avant d’atterrir au département de Sciences juridiques, un itinéraire académique tortueux que votre interlocuteur n’a jamais connu, de l’Université Gaston Berger du Sénégal à l’Université du Québec à Montréal en passant par l’Université de Genève.
Quant à votre carrière d’avocat, la seule profession non nominative dont vous pouvez vous prévaloir, les couloirs du barreau de Dakar retentissent du peu de succès que vous auriez engrangé dans les procès de seconde zone (faits divers) obtenus, selon les ouï-dire, grâce à un de vos amis, à l’époque commandant de la brigade de Thiong, qui vous filait les enquêtes préliminaires. Mais il n’est jamais trop tard pour nous émerveiller si vous acceptez de revêtir votre robe noire. Le conseil est gratuit.
Vous avez beau essayer d’édulcorer votre retournement de veste politique par l’argument bidon de votre « amitié » avec le président Macky Sall, votre trajectoire sera tout de même irrévocablement et éternellement associée à la réputation d’un transhumant. Une amitié que vous aviez probablement oubliée en 2008 lorsque votre mentor quittait toutes ses fonctions pour repartir à zéro. La magie de l’Internet nous a fait d’ailleurs découvrir ce que vous disiez au sujet de cette basse attitude lors d’une leçon inaugurale à l’IAM le 22 mai 2015. Perdu par votre outrecuidance, vous avez quand même donné une des meilleures définitions de la figure du transhumant, je vous en tire d’ailleurs mon chapeau : « Elle désigne l’homme ou la femme politique qui, après avoir été au cœur du dispositif du pouvoir antérieur, après avoir défendu l’idéologie, les actions positives et même négatives de l’ex dirigeant, après avoir vanté ses mérites et ses qualités, décide d’aller vers les pâturages du nouveau pouvoir. Le transhumant politique est celui qui n’est en politique que pour être du côté du prince. Le transhumant politique est décrié parce qu’il véhicule ce que nous reproche la population, c’est-à-dire le manque de convictions politiques, l’opportunisme politique, le manque de franchise dans nos positions politiques. Les convictions du transhumant se ramènent à ses intérêts personnels : se protéger contre une action de justice, ne pas perdre de privilèges, retrouver les positions officielles d’antan. »
Alors dites-nous en davantage sur les réelles raisons de votre transhumance : La peur de la justice ? La crainte de perdre des privilèges ? Le besoin maladif de retrouver les positions officielles d’antan ?
Dernière « prouesse » et non des moindres : de 1998 jusqu’en 2000, vous aviez quitté le PDS pour atterrir au PS et n’eut-été l’intervention insistante de feu Moustapha Wade auprès de son petit-frère, Me Abdoulaye Wade, devenu président de la république, de vous reprendre sans rancune, vous seriez rangé aux oubliettes. Et pourtant, après la chute du pouvoir libéral, vous n’avez pas hésité à opérer un parricide en le poignardant dans le dos alors qu’il vous a fabriqué au même titre que votre mentor actuel. Celui-ci s’est au moins donné les moyens d’accomplir sa « Légende Personnelle ».
Sans aucune intention de ma part de colporter des contrevérités et en me limitant uniquement aux faits historiques, voilà qui vous êtes réellement.
Sans rancune et au prochain match !
Lamine NIANG