À saison pluvieuse spectaculaire, polémique exceptionnelle : au Sénégal, les réseaux sociaux et les médias bruissent d’interrogations sur l’emploi des fonds alloués au Programme décennal de lutte contre les inondations.

Pour comprendre l’ampleur de cette fin de saison pluvieuse déjà qualifiée d’exceptionnelle, il n’y a rien de plus explicite que le choc d’une image et le poids d’un chiffre. Mi-août, entre présumées fake news et fact-checking, un cliché montrait des élèves de l’école Pikine 20 B, dans la banlieue de Dakar, en train de composer leurs examens de fin d’année les pieds dans l’eau.

Calamité et désolation

Deux semaines plus tard, le ministre de l’Hydraulique, Serigne Mbaye Thiam, annonçait que les précipitations du week-end des 5 et 6 septembre derniers avaient dépassé, avec 124 millimètres, la pluviométrie de trois mois d’une saison des pluies normale. Comme dans la quasi-totalité de l’Afrique de l’Ouest (Niger, Nigeria, Mali ou Burkina), les nuages qui ont survolé le Sénégal ont déversé calamité et désolation : pertes en vies  humaines, habitations fissurées voire effondrées, hectares de terres cultivables englouties, animaux emportés par les torrents et risques de maladies et de famine. En ce début de mois de septembre, il est trop tôt pour faire un bilan. L’heure est à la sempiternelle gestion de l’urgence, avec le Plan Orsec d’organisation de la réponse de la sécurité civile déclenché par le président Macky Sall. Mais ceux qui ont encore le loisir d’écrire des articles et de poster sur les réseaux sociaux soulignent l’oubli présumé des serments et anticipent l’anesthésie des souffrances qui suit ce genre de crise climatique.

Affliction détrempée

Si la saison 2020 semble exceptionnelle, les inondations dévastatrices sont légion dans l’histoire récente du Sénégal. Et certains habitants du pays de la Téranga s’en souviennent. Déguerpis et conscients des limites des autorités locales, des sinistrés indignés rappellent les promesses d’assainissement lancées par l’État au moment où les inondés choisissaient des zones d’habitation qui ne devaient pas être «à risque». Quid des canalisations promises à l’achat des parcelles ? Quid des «investissements structurants pour l’assainissement des eaux pluviales» ou de la «restructuration des zones inondables» annoncés dans le programme du candidat Macky Sall ? Il n’en fallait pas plus pour que des polémiques jaillissent de l’affliction détrempée. Les journalistes, à mots couverts, et les internautes, plus frontalement, se demandent ce que sont devenus les 767 milliards de Fcfa attribués, dès 2012, au Programme décennal de lutte contre les inondations.