Journaliste et formateur, Ibrahima Bakhoum passe au crible la dernière sortie d’Ousmane Sonko. Évoquant une probable entente entre Macky Sall et une partie de l’opposition, l’analyste politique revient, en détail, sur la communication du président du parti Pastef/Les Patriotes.
«Ousmane Sonko pourrait être en train d’anticiper ce que de plus en plus d’observateurs suspectent ou redoutent : une entente sur une base minimale (ou davantage) entre le Président Macky Sall et certains membres de l’opposition. Sachant qu’une telle combinaison passerait difficilement dans une partie de l’opinion, le leader de Pastef semble préférer le cavalier seul, parce qu’il est évident qu’il ne peut être partant pour un gouvernement, tel que le chef de l’État travaillerait à finaliser la composition», campe, d’entrée de jeu, Ibrahima Bakhoum.
Dégringolade après un succès électoral ?
L’analyste politique d’ajouter : «Quelle que soit la forme ou le nom qu’aurait cette équipe, l’idée est déjà considérée comme une volonté du pouvoir de se donner un peu d’oxygène. Sonko ne veut pas laisser Macky trouver une base plus large que ce qu’a déjà offert Benno, une coalition usée, épuisée et progressivement de peu d’apport dans la bataille de l’opinion. Le Président Sall gagnerait donc à s’offrir un moment de répit, alors que l’on parle du réveil de ses adversaires. S’il obtient que quelques figures très représentatives le rejoignent dans un gouvernement, l’état de grâce qu’il espère retrouver serait de courte durée, surtout si les difficultés actuelles et celles à venir ne trouvent pas solutions. À ce moment, ces nouveaux comptables de la gestion peineraient à rebondir. Comme des fruits mûrs, Sonko ramasserait ce qu’Ils avaient comme sympathisants et renforcerait son image de vrai opposant. Mais, ce calcul pourrait se révéler contre-productif et périlleux si les acteurs qu’il suspecte de vouloir rejoindre le pouvoir décidaient de ne pas répondre, s’il en existe, à l’invitation du chef de l’État. La mauvaise perception qui se dégage en ce moment, en conséquence de ses sorties contre des opposants, pourrait être difficile à résorber avant les prochaines échéances électorales. Et lui arriverait indubitablement ce que d’autres ont connu avant lui, c’est-à-dire une dégringolade, après que le succès avait été au rendez-vous lors d’une précédente élection. Moustapha Niasse, Djibo Leïty Kâ, Idrissa Seck… en ont vécu, quelles qu’aient pu en être les raisons, l’amère expérience».
Le pire scénario pour le leader de Pastef
Pour finir, le journaliste et non moins formateur de marteler : «Sonko serait en train de jouer une partie de hasard sur deux registres mais dont un seul comporterait un avantage politique. Dans le premier, ses cibles du moment foncent vers Macky, y laissent des plumes et se disloquent. Lui ramasse les morceaux et se positionne comme le véritable et unique opposant. Le statut de chef de l’opposition n’aurait alors plus aucun avantage politique pour son attributaire. Et ce présumé avantage serait encore moins évident si les Sénégalais en arrivaient à considérer que l’occupant ne le devrait qu’à la seule volonté du pouvoir. À ce moment, Ousmane Sonko enfilerait les habits de l’opposant légitime face à un chef de l’opposition légal arrangé. Le gain électoral n’est pas loin. Le risque serait que, sur le deuxième registre, l’invitation à entrer dans un gouvernement ne soit entendue que par ceux dont la réponse positive ne serait pas une surprise pour les Sénégalais, tellement leurs appels du pied en direction du pouvoir sont manifestes et cacophoniques. Alors se produirait dans l’opinion, une nouvelle hiérarchisation des vrais opposants rangés adversaires du pouvoir. Le pire des scénarios pour le leader du Pastef qui se retrouverait seul avec le bonnet du traître qui a affaibli l’opposition. L’image d’égoïste ou de prétentieux lui collerait durablement au front. Ses rencontres avec les foules en seraient forcément impactées. Rebondir sera, le cas échéant, aussi aléatoire qu’a été extraordinaire la formidable ascension politique du jeune Inspecteur des impôts».