On croyait naïvement que la médiation initiée par l’honorable et distingué Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké, allait tempérer les ardeurs, apaiser les cœurs et ramener la lucidité nécessaire aux différents acteurs politiques après les jours sombres et meurtriers que notre pays a traversés récemment. Dans cet intervalle de jours noirs qui marqueront à jamais l’histoire politique sénégalaise, les yeux du monde entier se sont ainsi subitement et négativement braqués sur le Sénégal, ce petit pays d’Afrique où la volonté démentielle de liquidation d’un adversaire politique encombrant a poussé l’État politisé aux extrémités les plus meurtrières : invention d’actes d’accusation fallacieux pour arrêter des membres de l’opposition et de la société civile; humiliations et détention arbitraire de femmes politiques sur fond de déni de la liberté de protester, répression sanglante de manifestants et tentative rétrograde de musellement de la presse.
Dans le contexte actuel, les raisons de s’opposer continuellement et vigoureusement aux penchants tyranniques de cet État déviant sont légitimes et bien réelles, mais la voix transcendante du Khalife de Touba a bien adouci les pulsions démocratiques des protestataires, alors que ceux-ci ne voulaient qu’exercer un droit octroyé par notre loi fondamentale. En effet, malgré l’insatisfaction des différents points transmis à l’émissaire du vénéré guide religieux, dont le plus important reste le maintien injustifié en détention des prisonniers politiques, l’opposition, réunie autour du M2D, a su faire preuve de retenue et de discipline en laissant le processus diplomatique suivre son cours normal et garder une oreille attentive en provenance de la cité religieuse. Mais, c’est sans compter avec l’irresponsabilité manifeste de l’APR et ses alliés qui surfent constamment dans la provocation et la multiplication des attaques de nature à réveiller encore le monstre des affrontements.
Comment comprendre la sortie récente d’Adji Sarr, si ce n’est pas pour remuer le couteau dans la plaie qui peine à se cicatriser ? Comment expliquer la sortie ô combien gravissime du ministre de la justice, Malick Sall, devant ses partisans du Fouta et accusant explicitement les militants de PASTEF d’être les auteurs de la mort des manifestants avec l’insinuation directe et hors contexte de l’islamisme salafiste ? Eh oui, c’est bien l’incarnation d’une des plus importantes institutions de la République, l’homme à la tête du ministère chargé d’apporter la lumière sur les massacres des manifestants, qui tient bien ce discours. Tel un juge convaincu de sa décision, Malick Sall a déjà identifié les vrais coupables alors qu’aucune démarche judiciaire n’a encore été enclenchée pour retrouver les tueurs et même si des images de vidéos amateurs montrant clairement le tir à balle réelle sur des manifestants et certains témoignages éloquents entendus lors de ces manifestations renseignent sur la piste à explorer.
Ce n’est point une autre bourde d’un ministre fanfaron. Le contenu du message, la langue de communication et le contexte d’énonciation du discours dénotent clairement qu’il s’agit d’un message bien réfléchi qui cherche volontairement à souffler sur les braises que Serigne Mountakha Mbacké a pourtant tenté d’éteindre définitivement. C’est encore par le titillement de l’ethnicisme divisionniste et par l’excitation de la fibre régionaliste que le ministre de justice de la RÉPUBLIQUE du Sénégal cherche à faire de la politique. Son autre voisin de terroir, Aliou Dembourou Sow, député à l’Assemblée nationale, avait également tenu, dans un passé récent, des propos quasiment similaires aux relents d’appel à la guerre entre les Sénégalais. Voilà la véritable violence, alimentée par des autorités étatiques et se nourrissant de notre diversité culturelle et linguistique, dont il faut réellement avoir peur et qu’il faut dénoncer catégoriquement quel que soit le bord politique où on se trouve.
Hantés par la probabilité de la perte prochaine du pouvoir, ces hurluberlus de l’APR semblent avoir perdu complètement la tête au point de franchir le rubicond. Se sentant délaissés par les populations malgré la multiplication de leurs mensonges ahurissants sur un adversaire que rien ne semble atteindre, ces responsables politiques décident finalement de descendre au plus profond des caniveaux pour reprendre du poil de la bête et montrer leur existence politique. Que le Sénégal bascule dans la guerre civile semble être le cadet de leurs soucis parce que, grisés par les faveurs temporaires et circonstanciés de l’exercice du pouvoir qu’ils ne sont pas prêts de perdre, ces égoïstes va-t-en-guerre ne connaissent la démocratie que de nom. Nos intellectuels et autres donneurs de leçons, si prompts à dénoncer un supposé terrorisme verbal en cours sur les réseaux sociaux, savent maintenant qui détient le monopole de la violence et qui cherche à en user dangereusement.