C’est un secret de polichinelle. Le Sénégal, pour ne pas dire Macky Sall himself, a joué un rôle prépondérant dans le dénouement de la crise politique qui était partie, lors de la crise politique de 2016-2017, pour mettre la Gambie sens dessus dessous. Car, le président sortant, Yaya Jammeh, avait la volonté de faire du forcing pour rester au pouvoir qu’il avait perdu, face à son challenger Adama Barrow, lors de la présidentielle. «Quand l’option militaire s’est concrétisée, Dakar ajoué un rôle décisif», précise un rapport cosigné par le journaliste-chercheur sénégalais en science politique Barka Bâ et le chercheur français Vincent Foucher.
Dakar devance la CEDEAO et enrôle le Général François Ndiaye
Dans le rapport intitulé : «Une agencéité forte : L’État sénégalais face à la crise gambienne de 2016-2017», les deux chercheurs notent que le Sénégal est intervenu avant la décision de la CEDEAO et l’intronisation de Barrow. Dès le 16 janvier 2017, des patrouilleurs sénégalais contrôlaient l’accès aux côtes gambiennes et interdisaient l’entrée de navires suspects au port de Banjul. En attendant l’intervention de la CEDEAO, le sous-chef opérations de l’état-major sénégalais a assuré la planification. Comme l’admet un conseiller de la CEDEAO : «Ce n’est pas la CEDEAO qui a fait la planification, car, en ce moment, les chefs d’état-major des pays membres se réunissaient, les 16 et 17 janvier, à Abuja autour du général nigérien qui commande la force».
3 700 hommes, deux hélicoptères, un bateau de guerre…
Toutefois, les investigateurs soulignent que sur les cinq pays qui avaient signalé leur disponibilité à fournir des troupes, seuls trois se sont exécutés. «Le Sénégal a fourni le gros du contingent, plus de 3000 hommes, deux hélicoptères et trois patrouilleurs, le Nigeria a envoyé 500 hommes, des moyens aériens (deux avions de transport et deux avions d’attaque) et un bateau de guerre, et le Ghana a déployé 200 hommes. Le Sénégal a obtenu le commandement de la force régionale, y désignant son propre chef d’état-major de l’Armée de terre, en l’occurrence le général François Ndiaye.
Pris dans la nasse, Jammeh adoube Condé pour négocier sa sortie
Selon le rapport, le Sénégal a financé lui-même sa participation. Car, c’est seulement en février 2017 que l’Union européenne a commencé à financer la CEDEAO pour soutenir la MICEGA. Lorsque la crise atteint son paroxysme, la MICEGA se déploie en territoire sénégalais. Les survols aériens et les tirs de semonce passent le message : une intervention militaire est une véritable possibilité. C’est seulement à ce moment-là que Yaya Jammeh, réalisant que Dakar est prêt à aller jusqu’au bout et qu’il ne peut plus l’emporter, sollicite son seul allié ouest-africain, en l’occurrence le président guinéen Alpha Condé, pour négocier sa sortie. On connaît la suite.