La présence d’Emmanuel Macron aux obsèques du dictateur Idriss Déby envoie un signal clair : la France avalise le coup d’Etat dynastique au nom d’une prétendue stabilité. Pour l’association Survie, ce symbole balaie tous les efforts de communication de l’Elysée, en montrant de façon lucide la continuité de la Françafrique, toujours au prétexte des mêmes arguments.

Dès l’annonce du décès d’Idriss Déby, une junte d’officiers menée par son fils Mahamat Idriss Déby s’empare du pouvoir et crée un Conseil militaire de transition qui rassemble des membres de l’ancien clan présidentiel. Tandis que les partis d’opposition « rejettent toute dévolution monarchique du pouvoir au Tchad » et en « appellent à l’instauration d’une transition dirigée par les civils », la France, fidèle alliée des régimes dictatoriaux qui se sont succédé au Tchad, légitime ce conseil militaire de transition. Le discours officiel français joue de la langue de bois en appelant à une transition vers une « gouvernance inclusive » et un retour aux institutions civiles, alors que cette prise de pouvoir par la force va à l’encontre des principes démocratiques. Pour Emma Cailleau, porte-parole de Survie : « Malgré les effets d’annonce d’Emmanuel Macron pour séduire la jeunesse africaine, le soutien à cette dictature dynastique est la pire preuve de la continuité de la Françafrique. L’Elysée aura beau organiser des pseudo-débats animés par Achille Mbembe, il ne pourra que constater la montée logique d’un sentiment « anti-français » : celui-ci, dans le sens d’un rejet de cette politique cynique, est tout-à-fait légitime. »

En vue du sommet France-Afrique prévu en juillet en Montpellier, l’Elysée essaie en effet de capitaliser sur les effets d’annonce autour d’une réforme en trompe-l’oeil du Franc CFA en Afrique de l’Ouest, de la restitution de certains objets d’arts africain ou encore sur la transmission d’archives à la justice burkinabè. « Il faut replacer cet évènement dans une perspective longue pour bien le comprendre, explique Emma Cailleau. En soutenant la succession dynastique en cours au nom de la « stabilité » et du rempart contre un ennemi de notre pays, Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian reprennent un argumentaire classique du soutien aux dictatures françafricaines depuis les années 1960″. Le président français se déplace à N’Djaména pour adouber le nouveau régime et s’assurer de son alliance pour le maintien du dispositif militaire français au Sahel, dans lequel l’armée tchadienne joue un rôle indispensable. Empêtrée depuis une décennie dans une soi-disant guerre contre le terrorisme au Sahel, la France compose avec ce coup d’État pour tenter de sauver sa propre stratégie militaire en Afrique.