Le professeur Pape Demba Sy, coordonnateur du groupe d’initiative pour les assises de la gauche plurielle, raconte dans une interview avec l’APS les ‘’divisions’’ survenues au sein des partis politiques dits de Gauche au Sénégal. Ce bloc politique a souvent été confronté à la ‘’division’’ et à la ‘’dispersion’’, reconnaissent l’AFP, AJ/PADS, la LD, le PIT, le PS, RES/Les verts, le RTA/S, l’UDF/Mbooloo Mi, l’URD et d’autres formations politiques, qui déclarent vouloir ‘’créer une vaste organisation’’, une ‘’gauche plurielle’’.
‘’Nous avons prévu de tenir les assises de la gauche entre la fin du mois d’avril et le début du mois de mai’’, a dit Pape Demba Sy en rappelant les temps forts des nombreuses divisions de ces partis, dont la plupart sont des alliés du pouvoir actuel. ‘’Les causes sont nombreuses. Il faut remonter très loin. On ne pourra pas le faire dans le cadre de cette interview. Mais, au moins, on peut donner quelques repères. La gauche a été constituée au Sénégal pendant la période coloniale, durant laquelle elle était liée […] à la gauche française’’, a expliqué M. Sy. Au début, il y avait la gauche communiste et la gauche socialiste, chacun ‘’avec leurs nuances’’, puis il y a eu une troisième voie, la gauche nationaliste, avec Cheikh Anta Diop (1923-1986), ajoute l’universitaire. ‘’Donc, on est arrivé à l’indépendance avec une gauche divisée. A l’intérieur de chaque groupe, il y avait des divisions. Dans le groupe communiste, il y avait des maoïstes, des prosoviétiques, des trotskistes… Ils ne s’entendaient pas sur ce qu’il fallait faire pour le pays’’, analyse Pape Demba Sy, professeur de droit administratif à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. M. Sy, leader de l’UDF-Mbooloo Mi, une formation politique de la coalition présidentielle actuelle, affirme qu’‘’il y a eu des divisions au sein de la gauche socialiste également, parce que le parti politique créé par Léopold Sédar Senghor, le BDS, devenu UPS, a éclaté’’.
‘’D’autres partis sont du Parti socialiste. C’est la même chose pour les nationalistes. Le RND, à la mort de Cheikh Anta Diop, s’est plus ou moins disloqué’’, se souvient-il. Certaines divisions de la gauche sénégalaise ‘’sont liées souvent à des appréciations différentes de la situation politique’’ du pays par les formations faisant partie de ce bloc. ‘’Par exemple, à l’indépendance du Sénégal, l’UPS, devenue Parti socialiste, au pouvoir, se réclamait de la gauche. Mais tout ce qui était gauche communiste et non socialiste était contre [cette formation politique’’, explique l’universitaire et leader politique. ‘’Cette gauche [communiste] disait que les socialistes menaient une politique de droite. Et ils les ont combattus jusqu’en 2000.’’ L’élection présidentielle de cette année-là fait partie des moments les plus décisifs de la division des partis politiques revendiquant leur appartenance à la gauche, selon Pape Demba Sy. Une partie du bloc politique s’est alliée avec le PDS d’Abdoulaye Wade, avec lequel elle a remporté l’élection présidentielle, a-t-il dit en souvenir surtout du ralliement de Moustapha Niasse, un dissident du Parti socialiste, à M. Wade, chef d’un parti politique d’obédience libérale. Plus tard, ‘’il y a eu des retrouvailles de la gauche, qui ont conduit aux Assises nationales’’, lesquelles ont ‘’été à la base de la création de Benno Siggil Senegaal’’, une coalition constituée essentiellement du PS et de l’AFP, dirigés respectivement par Ousmane Tanor Dieng (1947-2019) et Moustapha Niasse.
‘’Dans ce grand Benno Siggil Senegaal, poursuit M. Sy, il y avait toutes les composantes de la gauche et d’autres partis qui n’étaient pas de gauche. Mais Benno Siggil Senegaal a fait long feu. A l’approche de l’élection présidentielle de 2012, elle a éclaté.’’ A cette date-là, une partie de la gauche était avec Moustapha Niasse, l’autre avec Ousmane Tanor Dieng, rappelle le coordonnateur du groupe d’initiative pour les assises de la gauche plurielle. Il est d’avis qu’‘’il y a donc des aspects historiques, mais aussi des aspects stratégiques et tactiques, qui font que la gauche n’a pas pu se retrouver’’. ‘’Maintenant, une partie de la gauche réunie par Benno Siggil Senegaal avait décidé de se retrouver et de discuter, à la suite de plusieurs tentatives. On a organisé des assises de la gauche en 2004 et 2006, mais ça n’avait pas abouti à grand-chose. Certaines organisations ont convenu ensuite de se retrouver pour discuter et essayer de voir dans quelle mesure elles peuvent recréer l’unité.’’ ‘’Mais c’est le référendum de 2016 qui nous a divisés. Certains avaient estimé qu’il trahissait les Assises nationales. D’autres disaient que même si le référendum n’a pas pris en compte toutes les conclusions des Assises nationales, il fallait [adopter les réformes proposées] et continuer la lutte. Donc, les différentes approches ont entraîné la division. Et certains partis, dont Yonnu Askan Wi et le RND de Dialo Diop […] sont partis et se retrouvent maintenant avec le Pastef (le parti d’Ousmane Sonko).’’