Le Directeur général du Centre des œuvres universitaires de Dakar (COUD) retrace, le cœur meurtri, le film de la mise à sac de la structure dont il préside aux destinées et du campus pédagogique de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Dans cet entretien exclusif, Maguette Sène, Sène liste les dégâts et exige que les responsabilités soient situées et que les mesures qui s’imposent sur les plans judiciaire et disciplinaire soient prises. 

L’Université de Dakar a été une victime collatérale des dernières tensions, suite à la condamnation de Ousmane Sonko à deux ans ferme pour corruption de la jeunesse dans son procès contre Adji Sarr. Comment avez-vous vécu le saccage et l’incendie de la Direction générale du COUD que vous dirigez ?

Je m’incline d’abord devant la mémoire des personnes disparues suite à ces événements, prie pour le repos de leurs âmes et souhaite que de tels incidents ne puissent plus jamais se reproduire au Sénégal. Ce sont des événements malheureux qu’il faut condamner et déplorer avec la plus grande énergie. Si on revient sur le film des événements, à l’Ucad, il y a eu deux théâtres d’opérations : le campus social et le campus pédagogique. Dans le campus social, il y a eu des affrontements entre étudiants d’abord, ensuite la Police est entrée pour calmer les esprits et faire revenir l’ordre. Elle semblait avoir maîtrisé la situation à un moment donné. Mais suite à des appels des responsables de Pastef dans les réseaux sociaux demandant à ce que tout le monde rallie l’Université pour aider les étudiants à sortir, les gens sont venus de partout et sont passés par le campus pédagogique au moment où il y avait des affrontements au sein du campus social. Ceux-là qui sont passés par le campus pédagogique ont tout brûlé sur leur passage. Les lieux les plus emblématiques, notamment le Cesti dont la salle multimédias et d’autres salles de cours ont été brûlés et saccagés, des bus ont été brûlés à la Bibliothèque universitaire, à la Faculté des Lettres, des archives des cinquante dernières années ont été brûlées, à la Faculté de Droit, l’amphithéâtre qui servait aux enseignements pour 1500 étudiants a été réduit en cendre, en plus du saccage des bureaux et salles de professeurs et des bus qui servaient de voyages pour les étudiants de la Faculté de Médecine et de Pharmacie…Le même groupe qui a détruit le campus pédagogique est venu se rallier aux étudiants qui manifestaient dans le campus social. Là, vu le nombre important d’étudiants mélangés à des personnes étrangères, les policiers n’avaient d’autre choix que de se retirer à la porte principale laissant l’Université aux casseurs qui ont carrément brûlé la Direction générale du Coud. Des bureaux et restaurants ont été incendiés et saccagés. Les manifestants ont brûlé un outil extrêmement important de travail pour le Coud, à savoir les 8 bus qui servaient de transport à nos travailleurs de la banlieue vers l’Université. L’environnement a été saccagé, les arbres ont été coupés. Les manifestants avaient pour objectif de mettre à genou l’Université, de faire disparaître même l’Université. Les dommages sont extrêmement importants. Les faits sont très graves et demandent à ce que les responsabilités soient situées et que les mesures qui s’imposent en matière judiciaire et en matière disciplinaire soient prises. 

Vous étiez où au moment des faits ?

Quand il y a des émeutes de ce genre, les autorités universitaires ne peuvent pas être dans l’enceinte. Il faut savoir que les personnes qui ont osé poser ces actes graves sont capables de tout. N’importe quelle autorité qui serait dans l’espace allait être kidnappée et pourquoi pas violentée. Les autorités ne peuvent pas être sur place. Nous sommes à des lieux stratégiques qui nous permettent de coordonner et de donner des instructions qu’il faut. 

Ces événements étaient prévisibles. Pourquoi vous n’avez pas pris des dispositions 

Depuis mars 2021, à chaque fois qu’il est question de procès de Ousmane Sonko ou de marches, nous avons mis en place des dispositifs sécuritaires qu’il fallait. Je crois que l’Université peut s’enorgueillir d’être restée deux ans sans incidents. Jamais l’Université n’a été calme aussi longtemps. Ce qui vient de se passer était un jour spécial. On ne pouvait pas imaginer que des personnes extérieures allaient participer au saccage de l’Université. C’est pourquoi on a été plus ou moins dépassé par les événements. Si demain on devait faire face encore à ce type d’événement, on prendrait en compte cet élément extérieur qui est venu perturber tout le dispositif sécuritaire qui a été mis en place. 

Ça va vous prendre combien de temps pour réparer les dégâts ? 

Pour ce qui est du Coud, il faut signaler que notre comptabilité a été complètement incendiée. Ça veut dire que la remise en place de notre comptabilité et de notre administration prendra du temps. Les experts nous dirons, mais ça ne peut pas se faire très vite.  

Vous tablez sur un délai pour la reprise normale des activités ?

On ne peut pas estimer un temps. Nous avons adressé une lettre à la Direction de la protection civile qui est la structure compétente en la matière pour lui demander de nous faire l’expertise du bâtiment du Coud brûlé. C’est cette première étape d’expertise qui nous dira s’il faut démolir le bâtiment ou bien s’il est possible de le réhabiliter. Pour reconstruire ou réfectionner un bâtiment, il y a un délai. Dès l’instant qu’on n’a pas tous ces éléments, on ne peut se prononcer sur un délai.    

Est-ce que cela ne va pas grever le budget du COUD ?

Bien sûr. Quand il y a des dépenses imprévues qui surviennent en cours d’année budgétaire, ça perturbe la programmation budgétaire. Ça, c’est évident. 

C’est des dizaines ou des centaines de millions qu’il vous faudra donc pour réparer les dégâts ? 

Ça, je ne sais pas encore. En tout cas, c’est beaucoup d’argent qui devra être mobilisé pour réparer tous les dégâts, notamment les bus, les bureaux, la salle Oumar Pène, les restaurants, l’environnement…Il faudra beaucoup de ressources pour se remettre à jour et être opérationnel à nouveau. 

Comment expliquez-vous le fait que le campus social soit préservé, notamment les chambres des étudiants et que le campus pédagogique soit touché ainsi que la direction du COUD ?

Ça signifie simplement que ce sont les étudiants qui sont à l’œuvre. Quand vous vous battez avec quelqu’un vous ne détruisez pas votre propre chambre. Ça montre que ce sont les étudiants qui ont détruit l’Université en connivence avec des personnes étrangères. 

Le COUD a placé l’environnement au cœur de ses priorités. Est-ce qu’avec ces événements, votre projet pour que l’UCAD soit reconnue comme université verte et qu’elle bénéficie du certificat Iso 14001 ne va pas tomber à l’eau ? 

Non, ça ne va pas tomber à l’eau. Au contraire, on a plus que jamais besoin de ce projet pour qu’il puisse nous accompagner à redresser la barre, à réfectionner l’université. C’est peut-être le délai des rapports de la certification qui prendra du temps. Si ça doit être livré sur deux mois peut-être que ça va être repoussé sur quatre. Mais le projet ne va pas être abandonné. 

Ces dégâts ne vont-ils pas remettre en cause les grandes réalisations du chef de l’État à l’Université ?

Il y a beaucoup d’infrastructures réalisées par le Président au niveau de nos universités. C’est un bilan très élogieux qui ne mérite pas de tels saccages. Mais, il faut comprendre que les pilleurs avaient pour objectif de déstabiliser les symboles. Partout où le Président avait réussi, il fallait qu’ils posent un acte contraire. On a visé à mettre à genou l’Etat en saccageant là où le Président a plus réussi. Et l’enseignement supérieur fait partie des secteurs où le Président a le plus réussi. Si je prends l’exemple du campus social, de l’indépendance jusqu’en 2012, la capacité de l’Ucad était de 5000 lits. Avec le Président Macky Sall aujourd’hui, nous sommes passés à 11 000 lits. La capacité passera à 18 000 lits si tous les pavillons en cours sont réceptionnés. De la même manière, c’est ce qui se passe dans les autres universités du pays. Avec le Président Macky Sall, la carte universitaire est passée du simple au double.

La tension sociopolitique accentuée pousse à croire qu’on a aujourd’hui un peuple divisé. Que doit-on faire pour sensibiliser les Sénégalais, surtout les politiques afin d’éviter les démons de la division ?

Il y a lieu d’interroger l’histoire pour comprendre que l’accession au pouvoir sur la base de la violence n’a jamais rien donné, au contraire ça ne fait que reculer un pays. Nous avons le cas de la Libye qui était un havre de paix, mais on a monté des gens pour faire croire que Mouammar Kadhafi était un dictateur. On l’a renversé par la violence et aujourd’hui qui aurait donné aux Libyens le régime de Kadhafi, ils auraient payé beaucoup d’argent pour avoir Kadhafi par rapport à l’enfer qu’ils vivent. La Syrie, l’Égypte, la Tunisie…, tous ces pays qui ont cherché à faire tomber leur pouvoir par la violence l’ont regretté aujourd’hui. Dans la sous-région c’est pareil. Les régimes militaires que nous avons n’ont pas empêché les djihadistes d’être encore plus forts. Au Sénégal, la force et la violence n’ont jamais donné le pouvoir. Nous sommes un pays démocratique et c’est seules les élections qui peuvent permettre à une personne d’accéder au pouvoir. Si je rappelle tout cela, c’est pour dire aux gens de l’opposition que s’ils pensent que c’est par la violence qu’ils peuvent accéder au pouvoir, ils se trompent. Le Président Macky Sall a ouvert un dialogue national et a même décidé de mettre la question du 3e mandat dans le panier des discussions. Ça veut dire qu’en dialoguant, on obtient des choses inespérées que la bataille de rue ne nous donnerait pas. 

Comment faire pour intégrer l’opposition radicale au Dialogue auquel a appelé le Président Macky Sall pour trouver des solutions définitives aux préoccupations pressantes du pays ?

Le Président a appelé tout le monde au dialogue. Ce sont les autres qui ne veulent pas venir au dialogue, parce que pour eux, dialoguer c’est se compromettre, alors que ce n’est pas le cas.

Comment faire pour les rassurer ?

Mais quand la personne ne veut pas répondre à l’appel et reste radicale dans sa position en pensant que dialoguer c’est coopérer avec le diable, c’est cette personne-là qu’il faut raisonner. Il faut qu’elle comprenne que la politique c’est un jeu de stratégies, de procédés qui permet d’atteindre un objectif. Si par la violence vous avez échoué, il faut aller dialoguer pour pouvoir réussir ce que vous n’avez pas pu réussir par la violence. 

Vous êtes le maire de Malicounda, quels sont les projets phares que vous êtes en train de développer pour votre commune ?

Pour Malicounda, nous sommes sur d’importants projets que nous sommes en train de mettre en œuvre sur quatre secteurs clés, à savoir l’électricité, l’eau, la santé et l’éducation. Ce week-end, je dois aller réceptionner le château d’eau de Fandane qui va nous coûter un peu moins de 45 millions FCfa construit sur ressources propres de la mairie. Ce château d’eau est le quatrième à être construit dans la commune. Les deux premiers ont été construits par l’Etat dans le cadre de la coopération internationale et les deux derniers par la mairie. L’objectif final est que tous les foyers de Malicounda aient accès à l’eau. On n’est pas loin de l’atteindre. Nous avons atteint l’accès universel à l’électricité. Tous nos villages sont connectés à l’électricité, mais il y a des quartiers plus ou moins excentrés, je pense à Sant Yalla…Nous avons injecté plus de 500 millions FCfa dans l’électricité. Dans le domaine de la santé, au mois de juillet prochain, je dois, avec Mme le ministre de la Santé, inaugurer le poste de santé de Gagnabougou et la maternité de Malicounda Ngoukhodj. Ce qui va nous faire au total 14 postes de santé. Quand nous prenions le pouvoir, nous avions trouvé 6 postes de santé. Notre objectif final est de doter chaque village d’un poste de santé avec tout l’équipement nécessaire. L’objectif va être bientôt atteint. Nous voulons construire deux centres de santé dans le nord (Keur Maïssa Faye) et le sud (Nianing), sans compter l’hôpital que le Président veut nous construire à Fandane pour compléter la pyramide de santé au niveau de notre commune. Pour l’éducation, cette année, on est sur le point de lancer un appel d’offres pour des murs de clôture, des salles de classes, après avoir doté les écoles de centaines de tables bancs. Depuis 2014, nous avons construit 30 salles de classes, des murs de clôture, des toilettes…Dans le domaine de la dotation en fournitures scolaires, nous sommes l’une des communes à respecter le slogan ‘’ubi tey jang tey’’. 

SOURCE : L’OBSERVATEUR DU LUNDI

12 JUIN 2023 (ÉDITION NUMÉRO 5909)