Dans un entretien accordé à Jeune Afrique, Aminata Touré, Haute représentante du chef de l’État Bassirou Diomaye Faye, a exposé les priorités qu’elle juge essentielles pour la nouvelle législature. Elle a notamment appelé à l’abrogation de la loi d’amnistie adoptée après les troubles politiques survenus entre 2021 et 2023, ainsi qu’à la création d’une Haute Cour de Justice.
«La première [priorité] devrait être l’abrogation de la loi sur l’amnistie des crimes survenus au Sénégal entre 2021 et 2023, des évènements durant lesquels près de quatre-vingts manifestants ont trouvé la mort, selon les organisations de la société civile», martèle, d’emblée, Aminata Touré. Pour elle, «l’abrogation de cette loi est impérative». Mieux, elle insiste sur «la nécessité d’identifier et de juger les responsables de ces violences», estimant que «sans justice, il ne peut y avoir de réconciliation».
Adoptée dans un contexte de tensions politiques avant la présidentielle de mars 2024, cette loi avait pour objectif d’apaiser le climat. Toutefois, Aminata Touré conteste sa portée : «L’amnistie ne doit pas couvrir les crimes de sang. Il ne peut y avoir d’apaisement et de réconciliation sans justice».
Interrogée sur la possibilité de poursuivre le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko, bénéficiaires de cette loi, Aminata Touré rejette cette hypothèse. «Cela n’a aucun sens parce qu’ils ont été poursuivis sur de faux fondements». Elle maintient néanmoins sa position selon laquelle «tous les crimes de sang doivent être élucidés, notamment lorsque les victimes ne faisaient qu’exercer leur droit constitutionnel».
Par ailleurs, Aminata Touré soutient l’idée de mettre en place une Haute Cour de justice pour juger les membres du gouvernement et les chefs d’État en cas de fautes graves. Elle revient sur les scandales de mauvaise gouvernance sous Macky Sall, notamment la gestion des fonds destinés à la lutte contre le Covid-19. «C’est un carnage financier qui a été constaté par la Cour des comptes du Sénégal et transmis au procureur, qui l’a rangé dans un tiroir».
Elle estime que cette juridiction est essentielle pour garantir la transparence et la redevabilité. «Il est donc important que l’on mette en place cette Haute Cour de justice pour que la redevabilité des comptes et la lutte contre l’impunité soient une réalité».
Aminata Touré n’écarte pas la possibilité que Macky Sall soit appelé à répondre de ses actes. «Seules les enquêtes détermineront le niveau de responsabilité des uns et des autres». Elle pointe toutefois un événement marquant : «Lorsque l’ancien président Macky Sall a annoncé le 3 février le report de l’élection présidentielle, il y a eu des manifestations qui ont occasionné des morts. Sa responsabilité, sur cette question, est établie».