Pays jadis stable avec un système politique rigide mais malgré tout moderne qui accordait des droits aux femmes et aux minorités, le pays de Bourguiba a plongé dans une crise politique profonde depuis cette révolution qui renversa Ben Ali en 2011 et donna le tonus au mouvement dit du « Printemps Arabe » dont il ne parvient pas à se relever. La crise politique qui avait de prime abord un soubassement économique et social, a continué à perdurer plus de 10 ans après. Voilà un petit aperçu de ce pays Africain au parcours historique et politique atypiques. Jadis faisant partie de l’extension Africaine de l’empire Romain et située à l’extrême Nord du Continent Africain, la Tunisie fut à l’origine habitée par des tribus Berbères et Noires dans ses parties australes et certaines parties du Sud-Ouest du pays. Plus tard à partir du 12e s avant JC des tribus phéniciennes (actuel Liban) s’installèrent dans le Nord du Pays et fondèrent Carthage sur ce qui est aujourd’hui Tunis. A partir du 9e siècle avant JC les invasions romaines prirent place et Carthage fut renommée « Afrique ». D’importants vestiges architecturaux datant de cette période sont encore visibles sur de nombreux sites à travers le pays. A partir du 7-8e siècle AD, les vagues de conquêtes Islamiques dirigées par Oqba Ben Nafi et Ibn An Nas prirent le control du pays et plus tard les Arabes originaires du Moyen Orient devinrent majoritaires.
TERREUR SOUS BOURGUIBA ET BEN ALI
L’empire Ottoman prit ses quartiers sur le pays à partir des années 1500 et favorisa l’apport des aspects de la culture Turque et d’importantes innovations administratives et commerciales. Suite à la chute de l’Andalousie Musulmane (Espagne – Portugal) pendant cette période, de nombreuses familles juives et musulmanes fuirent les persécutions Chrétiennes pour s’installer en Tunisie et dans les autres pays voisins. C’est de cette période que date l’installation des communautés Juives Sépharades. Ce n’est qu’à partir du 17e siècle que les Français commencèrent à asseoir leur domination qui va mener à la colonisation jusqu’en 1956, année de l’indépendance du pays négociée par Habib Bourguiba. Aujourd’hui, le système politique qui, jadis, était à l’avant-garde des systèmes politiques « arabes » (bien qu’autoritaire), peine à trouver un leadership brillant à la hauteur des hommes et femmes qui animaient la vie politique et syndicale ô combien féconde des années 70-80 jusqu’au début des années 90. Le Parti Socialiste Destourien (PSD) de Bourguiba qui en était le précurseur et détenteur de l’hégémonie politique du pays de 1956 jusqu’en Novembre 1987 quand le Premier Ministre d’alors, Général Zine Abidine Ben Ali, destitua le très vieux Président Bourguiba sur la base d’un dossier médical (incapacité pour raison de santé), n’est plus. Ben Ali s’agrippa au pouvoir pendant près de 25 ans. Il parvint à réduire toute opposition à son régime à sa plus simple expression et ceci, après avoir hérite de l’appareil politique du Parti-Etat, le Parti Socialiste Destourien qu’il renomma Rassemblement Constitutionnel Démocratique. Il s’accapara ensuite de l’ensemble des leviers économiques du pays ensemble avec sa famille et sa belle-famille.
PAS MOINS DE 8 PRÉSIDENTS EN 10 ANS
En 24 ans de règne, de pays relativement prospère et sans histoires, Ben Ali réussit le tour de faire de la Tunisie un pays où le mal-vivre et le manque de perspectives offertes à la population et surtout à la jeunesse, un vivier de révolte populaire qui explosa en Janvier 2011 à la suite de la mort du jeune Mohammed Bouazizi, ce jeune vendeur qui s’immola au feu un jour de Décembre 2010 à cause des multiples tracasseries policières dont il était victime, succomba de ses brulures après des semaines d’agonie. Mohammed Bouazizi était le symbole de cette jeunesse Tunisienne appauvrie, désespérée qui en avait marre de subir, d’endurer les frustrations quotidiennes qui étaient le lot de beaucoup dans un pays où la classe politico-affairiste au pouvoir s’est accaparée des richesses et se la coulait douce. Son acte héroïque donna le tonus à cette Révolution Tunisienne qui renversa le régime avec Ben Ali qui s’exila en Arabie Saoudite où il mourut de chagrin quelques années plus tard. La Tunisie sombre à partir de 2011 dans une série de crises politique, sociale et économique sans précèdent. Ce qui était à l’origine une Révolution Populaire se révéla être une Révolution de Palais qui verra tour à tour des membres de l’entourage de Ben Ali aux commandes dans un pays qui peinait à produire une Alternative Démocratique Nationale au régime dictatorial et gabegique de Ben Ali. Un leadership vieillissant (moyenne d’âge 70 ans) et à court d’arguments et de solutions se passe la main au pouvoir depuis 12 ans face aux besoins pressants d’une population de 12 millions, composée de jeunes de moins de 30 ans il y a 20 ans, a vu la composante des 15-24 ans diminuer de 390.000 personnes entre 2011 et 2022 !
LE RACISME, UNE RÉALITE BIEN ANCRÉE
La sortie fasciste du président tunisien a ses origines dans une société où les minorités noires ont, depuis des siècles, fait l’objet d’ostracismes et de stigmatisation. Les données statistiques sur les composantes démographiques de la population tunisienne existent pour toutes les communautés (Berbères, Juive, Arabes) sauf les Noirs. Pourtant, il y a une forte communauté dans le Sud du pays et dans la capitale. Cette minorité, souvent associée à une ascendance du passé esclavagiste de la société, a une histoire qui date, pour beaucoup d’entre eux, de périodes précédant l’arrivée des Arabes dans le pays. Des études génétiques ont produit des évidences renversantes sur les origines d’importantes franges de la population noire du pays qui remettent en question des assomptions longtemps ancrées sur les origines de ceux qui constituent entre 10-15% de la population. Ces noirs continuent souvent à être appelés « Abid » (esclaves) ou « Atig » (affranchis) dans une société où le racisme est banalisé. Ces populations noires autochtones vivent un véritable traumatisme qui s’est surtout exacerbé ces 10 dernières années avec la crise socio-économique qui étrangle le pays. La sortie malheureuse de ce qui sert de président à la Tunisie d’aujourd’hui aura certainement l’avantage d’attirer l’attention du reste du monde sur ce pays où le fascisme a pris des quartiers et risque bientôt de générer des pogroms qui ne feraient pas honneur à ce pays Africain dont la capitale a une fois porte le nom de ce notre continent. Du moins, espérons-le et surtout que les pouvoirs publics des autres pays Africains et les instances continentales enverront un signal fort aux autorités Tunisiennes que ce qui se trame est inacceptable.
MOUSTAPHA BARRY
Cadre Supérieur en Télécommunications
Melbourne, Australie
Email: moustapha.barry@gmail.com