Libération révélait hier, en exploitant les rapports d’audit 2017 de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), le flou artistique entourant un marché d’achat de riz pour la couverture de fêtes religieuses. Les détails de la procédure révèlent un autre scandale. En effet, ce marché a été attribué en deux lots à Complexe Seutou Indou (196 millions de Fcfa) et Socomi (803,8 millions de Fcfa). Pour financer l’exécution du marché, un milliard de Fcfa a été puisé dans les crédits alloués aux bourses de sécurité sociale. Une opération couverte à l’époque par le ministère du Budget qui a été sollicité à cet effet par la Délégation générale à la protection sociale et à la solidarité nationale (Dgpsn).
Après cette autorisation, de puiser dans les fonds destinés à payer les bourses de pauvres pères et mères de familles, la Dgpsn a sollicité, par lettre en date du25 octobre 2017, l’avis de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) pour passer un à gré à gré avec Complexe Seutou Indou (Csi) et Socomi. Le même jour, la Dcmp dit niet en estimant que l’urgence évoquée pour justifier une entente directe ne tenait pas la route. N’empêche, la Dgpsn a sollicité l’Armp pour arbitrage. Bien que d’accord avec la Dcmp, l’Armp a autorisé les deux ententes directes.
Mais voilà, les pièces du dossier attestent aujourd’hui que l’urgence brandie était un prétexte fallacieux pour passer un gré à gré. Comme le révèlent les auditeurs, entre la saisine de la Dcmp (25 octobre 2017) et la date de notification du marché aux concernés (29 décembre 2017), il s’est écoulé une période de deux mois largement suffisants pour dérouler une procédure d’appel d’offres ouvert en procédure d’urgence.
Qui se cache derrière Csi et Socomi ?
Mais, toujours selon Libération, il y a plus drôle : un certificat administratif attestant de l’exactitude de la livraison de 700 tonnes de riz par Csi a été établi le 29 décembre 2017, exactement, le même jour que la notification du marché. Comprenez que le jour même où elle «gagne» formellement le marché , Csi avait déjà livré le riz dans les magasins du Commissariat à la sécurité alimentaire (Csa) dans huit localités (Thiès, Saint-Louis, Kaolack, Ziguinchor, Sédhiou, Kédougou et Tambacounda).
Un second certificat administratif attestant de l’exactitude de la livraison de 2871 tonnes de riz par Socomi dans les magasins du Commissariat à la sécurité alimentaire (Csa) situés dans huit autres localités (Thiès, Saint-Louis, Kaolack, Fatick, Diourbel, Matam, Kaffrine et Louga) a été aussi établi le même jour. À moins que les livraisons aient été faites par jet privé express, tout indique que ces certificats administratifs sont du toc. Qui plus, les auditeurs n’ont trouvé aucun procès-verbal attestant de la livraison du riz dans les localités concernées.
Dans tous les cas, Sci et Socomi semblent régner sur les grosses commandes de riz à la Dgpsn. Presque dans la même période, Socomi a bénéficié d’un gré à gré (623,580 millions de Fcfa) tout comme Csi (354,280 millions de Fcfa) pour l’achat de riz au profit de présumées populations sinistrées. Problème : aucun justificatif d’exécution du marché (bons de commande, bordereaux, de livraison, factures, procès-verbal de réception) n’a été classé dans le dossier de passation du marché. Ce qui laisse subsister une incertitude sur son exécution.