En sa double qualité de Directeur général du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) et de maire de Malicounda, Maguette Sène, responsable de l’Alliance pour la République (APR) analyse froidement, dans un entretien avec le quotidien L’Observateur, les résultats des dernières élections législatives du 31 juillet dernier, fait le bilan de l’année universitaire écoulée et se projette sur l’avenir. 

À l’issue des élections législatives, Benno Bokk Yaakaar (Bby) a obtenu 82 députés. Quelle lecture en faites-vous ? 

Nous attendions des résultats beaucoup plus favorables, mais n’empêche, il ne faut pas s’alarmer outre mesure puisqu’en 2017, nous avions obtenu 1,6 million voix. Entre 2017 et 2022, c’est seulement 100 mille voix qu’on a perdues. Le problème, c’est qu’on a perdu dans des départements où il y a beaucoup de députés comme des départements de la région de Dakar, le département de Mbacké, le département de Thiès. Il y a beaucoup de postes de députés qui sont en compétition, quand on les perd, ça se fait ressentir sur les résultats. Entre 2017 et 2022, l’écart que nous avons en termes de voix n’est pas aussi ca- tastrophique qu’on le fait croire. Du point de vue du taux de participation entre 2017 et aujourd’hui, il y a 50 mille électeurs qui n’ont pas voté. Qu’est-ce qui dit que s’ils avaient voté, nous n’aurions pas atteint le même nombre de voix qu’en 2017. 

Qu’est-ce qui peut expliquer vos revers dans les grands centres urbains ?

Pus le pouvoir dure, plus il y a des difficultés pour gagner les grands centres urbains. Il y a le coût de la vie, beaucoup de phénomènes conjugués et même des faits externes au Sénégal qui font qu’aujourd’hui, le climat social n’est pas ce qu’il devait être et du coup, ça se fait ressentir au niveau des urnes. Le plus important, c’est de faire une lecture froide et objective de ces résultats et redresser le plus rapidement possible pour qu’en 2024, nous continuons à être largement majoritaires et qu’on puisse gagner au-delà de 50%. 

Vous avez certes gagné le département de Mbour, mais vous avez perdu 6 des 16 communes. Qu’est-ce qui explique ces résultats avec la percée de Yewwi Askan Wi ? 

Nous avons perdu la commune de Mbour, Saly, Somone, Nguekokh, Sindia et Diass, c’est un peu sur l’axe de la côte. Le plus important c’était de gagner, même si on espérait avoir un meilleur score. La manière dont on a perdu dans certaines communes a fait que nous n’avons pas eu l’écart que nous voulions. Nous avons quand même obtenu les quatre députés. Mbour a été le seul département où beaucoup de sièges de députés étaient en compétition et que nous avons gagné. C’est une exception dans les grands centres urbains. En termes de percée, il faut relativiser. Il ne faut pas être démagogique non plus, il faut constater que d’une majorité écrasante à une majorité relative, il ya des choses à corriger. C’est le climat social qui n’a pas joué en notre faveur. La crise mondiale occasionnée par la guerre en Ukraine a fait que dans tous les pays du monde, les prix ont flambé. 

Les premiers résultats étaient favorables à Yewwi Askan Wi, le score de votre commune Malicounda a contribué à renverser la tendance. Qu’est-ce qui a fait la différence ? Quel est le secret de Maguette Sène ? 

Les grands centres urbains étant plus accessibles, leurs résultats sortent en premier. Dans une élection, le monde rural compte beaucoup. Malicounda, du point de vue électoral constitue le deuxième électorat du département de Mbour, de même qu’en termes de démographie. Quand on gagne largement chez nous, forcément ça impacte sur les résultats départementaux. Nous le savions. Malicounda devait faire la différence et nous y avons mis le paquet et nous avons devancé nos adversaires de 3700 voix. Nous avons eu de bons résultats à Nguéniène, à Ndiaganiao, à Sessene, à Fissel, à Thiadiaye et toutes les autres communes. Le plus important, c’est de redresser la barre et récupérer notre électorat le maximum possible. Il ne faut pas attendre la veille de 2024 pour le faire, c’est dès maintenant, qu’il faut s’y mettre. Mon secret, c’est juste le travail. Hier (NDLR, jeudi 18 août), nous avons réceptionné un forage à Malicounda d’un coût de 140 millions FCfa sur fonds propres et de 30 millions FCfa d’apport de la Senelec, en termes de raccordement à l’électricité. Nous avons aussi démarré la construction d’un château d’eau de 45 millions dans un autre village. Nous sommes aux côtés des populations et c’est ce qui fait qu’elles sont assez reconnaissantes à chaque fois que nous allons à des élections. Nous avons eu des programmes qui nous ont permis de faire l’extension du réseau d’eau dans tous les villages qui étaient connectés à la Sen’Eau. À Falokh, nous avions trouvé 3 bornes-fontaines dans un village où vivent actuellement plus de 15 000 habitants. Nous avions huit villages qui n’avaient pas d’électricité. Nous nous sommes battus pour qu’il y ait une couverture universelle. A notre arrivée aussi, la commune comptait 6 postes de santé pour 22 villages, nous en avons construit 7 nouveaux. Notre objectif, c’est d’avoir une couverture universelle pour que chaque village dispose de son poste de santé. Dans l’éducation, nous avons construit 30 salles de classe, des murs de clôture, des toilettes. Il y a aussi la gare routière de Saly aérodrome, un investissement de 1 milliard FCfa que nous avons fait sans sortir de l’argent.

Vous parlez de 2024, alors que pour l’opposition surtout, le Président Macky Sall n’a pas droit à une troisième candidature. Quel rôle comptez-vous jouer à ses côtés ? 

Nous allons être des combattants. C’est un combat qui a déjà démarré avec les Locales et les Législatives. Nous allons être les boucliers, les fers de lance du Président de notre coalition Benno Bokk Yaakaar pour que notre candidat puisse être choisi par les Sénégalais. Le Président dira comment cela va se passer mais quoiqu’il puisse se passer, nous serons là pour nous battre. 

Macky Sall sera-t-il votre candidat ? 

Si la loi le lui permet et qu’il accepte de suivre la loi, nous allons le soutenir. Nous serons à ses côtés. La directive qu’il donnera dans une autre version aussi, nous la suivrons. Nous serons loyaux jusqu’au bout. Nous comptons sur la jeunesse qui n’est acquise à aucun leader. Au contraire, quand on fait l’analyse des résultats de la Présidentielle de 2019, une importante partie de la jeunesse a voté pour le Président Macky Sall. Cela veut dire qu’il y a une jeunesse qui est là et qui est prête à soutenir le Président Macky Sall. J’avais déjà initié un mouvement des jeunes pour le triomphe de Macky Sall que nous avons testé aux Législatives avec la mise en place de comités de jeunes. Il y en a 20, nous n’avons pas voulu trop pousser parce que nous ne voulions pas créer un malaise. Nous allons formaliser le mouvement. Le Président Macky Sall a réalisé dans ce pays, ce qu’aucun Président n’a réussi. 

Dans ce contexte, pour vous, quelle équipe devrait accompagner le Président Macky Sall et quel profil pour le Premier ministre pour combler le gap électoral ? 

Il faut un Premier ministre jeune. Le profil de l’équipe qui doit aller en 2024 doit être une équipe de combattants. Avec un jeune expérimenté, bien formé, engagé et surtout loyal, la situation sera redressée. 

Vous pensez à quelqu’un ? 

Je ne pense à personne. C’est la prérogative du Président Macky Sall. 

L’année dernière vous avez mis en place un système de contrôle d’entrée au campus, quel bilan en tirez-vous ?

Cela nous a beaucoup aidé. L’université (Ucad) n’est plus comme un marché où les gens entraient et sortaient sans que l’on sache qui entre et qui sort. Ça nous a permis de réglementer. Nous avons profité des vacances pour renforcer cela parce que nous avons envoyé tous nos éléments en formation. Nous avons fait un certain nombre de changements au niveau de la sécurité et on espère qu’à l’ouverture, cela va être encore plus rigoureux, plus coercitif, parce qu’ici, c’est une maison privée. C’est la maison des étudiants. 

Comment préparez-vous la rentrée universitaire ?

Nous sommes en train de finaliser les pavillons de Amsa qu’on devrait ouvrir avant la rentrée. Pour le restaurant que nous devions construire, nous étions dans une procédure de délocalisation vers le stade et nous voudrions démarrer les fondations et les travaux avant la fin des vacances. Il y avait beaucoup de problèmes concernant les toilettes et l’accès à l’eau. Nous sommes en train de faire des travaux d’envergure au niveau de ces pavillons pour que les toilettes ne présentent plus de problèmes de salubrité et autres. Nous sommes en train de trouver des solutions pour l’eau pour répondre efficacement aux besoins des étudiants. Avec le projet de la Sonatel que nous sommes en train de finaliser, nous devions ouvrir en octobre avec un campus new- look. 

Quelle est la capacité d’accueil des nouveaux pavillons ?

Il y a des pavillons de 200 chambres, des pavillons qui font moins. Il y aura trois pavillons et ça va contribuer à améliorer l’hébergement des étudiants. Le Président Macky Sall a trouvé 5000 lits à son arrivée, en 2021, il a porté ce nombre à 11 000 lits. Des pavillons sont en train d’être construits et à termes, nous serons à 22 000 lits. Il trouve les bourses à un niveau très réduit, aujourd’hui, les étudiants perçoivent 70 milliards FCfa de bourse. La Côte d’ivoire, c’est dans les 16 milliards FCfa, alors que c’est un pays, théoriquement plus développé que le Sénégal. 

Quel sera le modèle économique utilisé pour financer vos projets ?

Certains travaux de réfection, c’est avec le budget du Coud, mais le restaurant, c’est un appui de l’Etat. Le partenariat public-privé aussi, nous voulons l’explorer pour l’érection d’eau parce qu’il y a des partenaires allemands qui nous ont proposé de faire des forages et d’installer des unités de désalinisation qui nous permettront d’avoir de l’eau souterraine à partir de ces forages et au moins d’entretenir les espaces verts, les toilettes et un certain nombre d’équipements. Nous aurons moins de pression sur l’eau de la Sen’Eau. Toutes les voies de financement vont être explorées. 

Envisagez-vous la possibilité d’externaliser le campus ?

Avec la création de l’université Amadou Mactar Mbow de Diamniadio, la création des Isep et la création d’universités au niveau de certaines régions comme Bambey, Saint-Louis, Ziguinchor, Matam, l’Etat va dans ce sens-là décongestionner Dakar et renvoyer les étudiants dans leur terroir. Ce qui va améliorer leur vécu et mettre moins de pression sur Dakar. Mieux ventiler les étudiants et les répartir sur l’ensemble du territoire. 

Il y a eu des problèmes après la fermeture du campus social. ne faudrait-il pas ajuster la fermeture des campus sur le déroulement des cours pour éviter des problèmes ? 

Je crois que c’est le Covid-19 qui a créé tout ce dérèglement. En 2020, l’université a été fermée de mars à septembre. Ça mettra du temps pour qu’on ait une année normale et dont les cours coïncident avec le nombre de mois d’ouverture. A l’ouverture de l’année 2022-2023, les choses pourront se régler puisque pour 2022, nous avons fait une année sans grève. Ce qui nous a permis d’absorber beaucoup de temps perdu. 

L’université, c’est aussi les violences, est- ce qu’il y aura de nouvelles dispositions pour éviter de tels actes ?

Il faut bannir la violence sous toutes ses formes. C’est dans la communication, le respect mutuel, l’écoute qu’on pourra trouver des solutions. La violence est toujours là et il faut qu’on pense à des mécanismes qui permettent de l’éradiquer définitivement et complètement de l’espace universitaire. La première chose à faire, c’est de faire en sorte d’avoir une bonne sécurité. Il faudra mettre le focus sur le contrôle des entrées. Si on s’assure que ceux qui vivent dans cet espace sont réellement des étudiants, ce sera un premier pas. Il faudra faire dans la prévention et le reste sera la conscientisation des étudiants, leur faire comprendre qu’ils sont des intellectuels et qu’ils doivent mener des débats d’idées et non de biceps.