Alpha Condé est un dirigeant têtu, voire obstiné. Les Occidentaux cherchent à faire quitter le pouvoir au président guinéen, à la fin de l’année, au terme de son deuxième mandat. L’Opinion retrace ce bras de fer diplomatique, économique, judiciaire qui se déroule dans plusieurs capitales, de Conakry en Guinée à Abuja au Nigeria, siège de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en passant par Paris et Bruxelles, Washington et New York, siège du Conseil de sécurité de l’Onu.
En pleine crise de coronavirus, les Occidentaux entreprennent un essai clinique aléatoire sur Alpha Condé, le président guinéen qu’ils veulent voir quitter le pouvoir en fin d’année après son deuxième et théoriquement dernier mandat. Objectif : ne pas remettre en cause les acquis démocratiques en Afrique de l’ouest à l’heure où l’exemple chinois – Xi Jinping a fait modifier la Constitution en 2018, ouvrant la voie à une présidence à vie – commence à faire des émules. Sans compter la récente manœuvre de Vladimir Poutine, via la Douma, pour rester à la tête de l’État, en 2024, après la fin de son mandat.
L’entreprise occidentale à l’égard du patient guinéen est incertaine. Ce type de bras de fer a obtenu des résultats, par le passé, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire mais a échoué au Zimbabwe et au Burundi. Agé de 82 ans, Alpha Condé est un politicien rusé au cuir épais. Il n’est pas réputé pour être très malléable même s’il doit beaucoup à la France dont les représentants – particulièrement Bernard Kouchner qu’il a connu sur les bancs du Lycée Turgot à Paris – lui ont apporté une aide décisive pour prendre le pouvoir en 2010 contre son opposant Cellou Dalein Diallo, ex-Premier ministre régulièrement qualifié de défenseur de la cause peule.
Billard à plusieurs bandes
Il est loin le temps où l’ancien responsable de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France, condamné à mort par contumace dans son pays en 1970, se battait pour la démocratie et les libertés publiques, quitte à connaître les douleurs de l’exil et les souffrances de la prison. En accédant au palais de Sékhoutouréya, siège de la présidence, l’ancien étudiant de la Sorbonne s’est vite mué en autocrate retors. Confronté à un dirigeant – prompt à entonner le chant des sirènes du complot néocolonial – sur lequel il n’a guère de prise, l’Élysée tente de peser en intervenant via des tiers.
«On a vu les limites de l’approche bilatérale, confie un conseiller d’Emmanuel Macron. Nous exerçons des pressions via la Francophonie, l’organisation régionale ouest-africaine et l’Union africaine.» Paris est à la manœuvre avec le soutien de Washington. Le Département d’Etat reste ferme sur ses principes démocratiques, même si le dossier présente beaucoup moins d’intérêt pour la Maison Blanche que pour l’Élysée. Ces pressions ont débuté bien avant le déclenchement de l’épidémie de Covid-19.
Dans ce jeu de billard à plusieurs bandes, rien ne vaut l’appui de partenaires fidèles comme le président nigérien, Mahamadou Issoufou. Ce dernier est un des camarades d’Alpha Condé au sein de l’Internationale socialiste. Mais, contrairement à son ami, il a promis de quitter la présidence au tout début de l’année prochaine, après deux mandats. Il a même organisé, en octobre dernier à Niamey, un forum consacré à la limitation des mandats présidentiels. Une réunion vécue comme une trahison par le président guinéen….