Les observateurs avertis sont unanimes : les éclairages du ministre du Pétrole et des Énergies, Mouhamadou Makhtar Cissé, ex-Directeur général de la Senelec et signataire du contrat avec la startup Akilee, mais aussi le Conseil d’administration qui l’avait avalisé, sont d’une urgente nécessité pour élucider ce sulfureux dossier très loin d’avoir livré ses secrets.
Le Directeur général de la Senelec, Papa Mademba Bitèye, a décidé de revoir les termes de la relation qui lie la société d’électricité et la startup sénégalaise Akilee. Objectif : casser la clause d’exclusivité de dix ans inscrite dans le contrat en question pour négocier avec la société israélienne Powercom la fourniture de 45 000 compteurs intelligents (44 500 monophasés et 500 triphasés) pour un montant global de 2,2 milliards de francs Cfa. Akilee, qui ne l’entend pas de cette oreille, a adressé, «après avoir vainement envoyé plusieurs courriers et relances amicales», une mise en demeure au Directeur général de la Senelec pour pointer «ses différents manquements graves et répétés dans l’exécution du contrat». Et, paraît-il, la réunion du Comité de pilotage (Copil) du projet objet du partenariat Senelec-Akilee, tenue mardi dernier suite à l’envoi de la mise en demeure, «n’a débouché sur rien». Dans sa plainte, Akilee que dirige Amadou Ly exige la tenue des Copil selon la périodicité fixée dans le contrat avec la Senelec (2 par an au minimum) et dénonce la remise en cause, par le Directeur général, de la clause d’exclusivité inscrite dans celui-ci.
«Les gens comprendront. Je ne veux pas en dire plus pour le moment»
Face au tollé, le patron de la société d’électricité botte en touche : «Je répondrai à toutes les questions lorsque nous terminerons les discussions. Les gens comprendront. Je ne veux pas en dire plus pour le moment.» Comment les deux parties en sont arrivées là ? Des sources signalent que le Directeur général de la Senelec a engagé une révision du contrat avec Akilee en reprochant à son partenaire une kyrielle de griefs (clause d’exclusivité non révocable, délit d’initié, marché obtenu sans appel d’offres, contrat signé durant la campagne électorale…) et en invoquant, entre autres, un risque de rupture des compteurs. Des arguments balayés d’un revers de la main par Akilee. Le Directeur de la Senelec conteste aussi la clause d’exclusivité du contrat avec Akilee, alors qu’elle était de rigueur du temps de Simelec qui, dix ans durant (2003-2013), fournissait des compteurs à la société d’électricité. De plus, Bitèye aurait avancé, pour justifier la procédure de renégociation enclenchée, que la clause d’exclusivité n’est pas révocable alors que les articles 2 et 13 du contrat liant les parties stipulent que celle-ci peut être remise en cause.
Les sérieuses réserves du Conseil d’administration de la Senelec
Autre point d’achoppement : la Senelec essayerait de faire passer Akilee comme une société fournissant des compteurs. Mais, la mission de la startup va au-delà : il s’agit plutôt de déployer et d’exploiter «un système informatisé de comptage avancé dans lequel le compteur est un accessoire». Un dispositif qui, selon les sources du journal, permet une optimisation du coût de l’énergie. Á propos de l’absence d’appel d’offres, Akilee rétorque que la prise de participation de la Senelec dans son capital à hauteur de 34% «permet de signer une convention réglementée encadrant la contractualisation entre les deux parties». Au sujet du risque de rupture de compteurs qu’aurait brandi le Directeur général de la Senelec pour expliquer sa position, la startup estime qu’il ne tient pas la route. En effet, Akilee serait en train de livrer 57 000 compteurs intelligents en plus des 2000 déjà mis à disposition en décembre et des 91 000 qui vont suivre dans les prochains mois. Malgré ces manquements signalés par son partenaire, Papa Mademba Bitèye aurait réussi à obtenir l’aval de la Direction centrale des marchés publics (DCMP) pour signer un marché par entente directe avec Powercom. Une initiative à propos de laquelle le Conseil d’administration de la Senelec aurait émis de sérieuses réserves Bitèye n’a pas tenu compte en décidant de remettre en cause un contrat de 180 milliards de francs Cfa pour dix ans et payables en 14 ans.