La Sonatel va tâter le marché régional, avec le lancement, imminent, d’un emprunt obligataire de 100 milliards. En gestation depuis plusieurs semaines, le projet d’émission de 152 millions d’euros d’obligations sur le marché financier de l’Uemoa vient d’être approuvé par le Board de la Sonatel communément appelé Conseil d’administration. Le Groupe Sonatel est l’opérateur de référence en Afrique de l’Ouest qui offre des solutions globales de télécommunications dans les domaines du fixe, du mobile, de l’Internet, de la télévision, du mobile money et des données au service des particuliers et des entreprises. Leader dans tous ses pays de présence, le Groupe Sonatel a démarré sa croissance externe au Mali en 2002, puis s’est successivement installé en Guinée et en Guinée Bissau en 2007 et tout dernièrement en Sierra Léone (2016). En effet, le résultat net 2019 du Groupe Sonatel est en baisse, du fait de chocs exogènes, alors que le chiffre d’affaires est en hausse. Le Groupe compte poursuivre sa politique d’investissement qui va nécessiter un emprunt obligataire de 100 milliards, pour consolider son leadership et éloigner la concurrence. Cette décision s’explique par la poursuite des investissements (207, 3 milliards en 2019) et l’essoufflement des banques qui ne peuvent plus suivre le rythme et satisfaire les besoins croissants de la Sonatel.

«Les banques ont commencé à atteindre leurs limites»

«Nous avons commencé à atteindre nos limites avec nos relations « One to one » avec les banques prises individuellement. Ça devient poussif. D’où l’intérêt, pour le groupe, d’aller chercher, sur d’autres marchés, les moyens de pouvoir se faire accompagner dans nos investissements. Les banques atteignent leurs limites. Il y a les limitations. Elles ne peuvent plus prêter plus de 25 % de leurs capitaux. Souvent, elles se réunissent pour pouvoir prêter à Sonatel. Et le meilleur moyen que nous trouvons est d’aller sur le marché et solliciter un emprunt obligataire’’, martèle le directeur financier Boly Traoré. Il souligne que Sonatel peut aller sur le marché régional, avec confiance, grâce à la notation AA- donnée par l’agence Wara. ‘’Une excellente note qu’aucune entreprise n’a pu avoir en Afrique de l’Ouest, qui va concourir, dit-il, à convaincre les investisseurs que l’action Sonatel reste une action phare’’, se réjouit le directeur financier. L’objectif est de poursuivre les investissements sur le réseau d’accès mobile (extension, densification, 3G, 4G, 4G+), le déploiement de la fibre, l’extension du backhaul, du transport (câble main one), le renforcement de l’infra cœur de réseau et l’énergie. Le Groupe Sonatel a d’autant intérêt à poursuivre ses investissements réseaux et à augmenter ses capacités que la concurrence est rude. S’y ajoutent les chocs exogènes qui ont impacté le résultat net de 2019 qui s’établit à 196,8 milliards contre 202,3 milliards en 2018, soit un repli de -2,7 %.

«Évolutions défavorables de l’environnement concurrentiel»

Pour l’expliquer, les responsables évoquent, principalement, ‘’la hausse des charges d’intérêts sur les emprunts (+11,5 milliards) et l’augmentation du niveau des amortissements (+15 milliards), contre une amélioration du résultat HAO (+5,9 milliards). Les deux pavés : impacts fiscaux et impacts réglementaires ont pesé 16 milliards sur le résultat net. Ce sont des événements exogènes qui ont contribué à neutraliser les efforts opérationnels que le Groupe a pu faire entre 2018 et 2019. Le contexte mondial a aussi nflué. Ainsi, note-t-on, ‘’les évolutions défavorables de l’environnement concurrentiel et réglementaire au Sénégal, où la relance des activités du principal concurrent (Free) accompagnée d’offres d’abondance disruptives (qui) a modifié en profondeur le marché prépayé’’. Dans les filiales du groupe, il y a eu la persistance de la crise politique et économique à Bissau où les difficultés dans la vente des noix de cajou, principale ressource, a influé sur le pouvoir d’achat des populations ; les mouvements de contestation politique en Guinée et la morosité économique en Sierra Leone. Par contre, l’EBITDA (résultat d’exploitation avant intérêts, impôts et amortissement) du groupe enregistre une croissance de +5,2 %, soit +19 milliards et s’établit à 482,1 milliards en 2019. Cette hausse est portée par l’amélioration de la marge directe (+65 milliards) atténuée, dit-on, par une hausse des charges indirectes (+45,6 milliards) principalement autour des impôts et taxes d’exploitation (+18 milliards), des charges réseaux et IT (+13,8 milliards) et des frais de personnel (+8 milliards).

Chiffre d’affaires en hausse en 2019

Toutefois, le chiffre d’affaires a atteint 1 086,8 milliards en 2019, contre 1 022 milliards en 2018, soit une hausse de 6,3 %. Avec cette croissance, le DG de Sonatel, Sékou Dramé, souligne que le groupe a continué d’engranger les effets bénéfiques du renforcement de la contribution des relais de croissance, notamment le data mobile qui est en progression de +25 % par rapport à 2018, et Orange Money qui a progressé de +33 %. D’ailleurs, les revenus de l’activité mobile représentent 80,1 % du chiffre d’affaires, soit 870,5 milliards. Les revenus de l’Internet fixe et des données se chiffrent à 65,9 milliards (dont 66 % au Sénégal et 28,2 % au Mali). Ils représentent 6 % du chiffre d’affaires du groupe. Par rapport à 2018, ils ont augmenté de 13,8 %. Le Directeur général de la Sonatel explique cette hausse par ‘’la redynamisation des offres Internet, l’élargissement de la couverture haut débit et les liaisons louées Internet’’. Par contre, le chiffre d’affaires sur l’entrant international, avec 77 milliards, enregistre un recul de 2 points sur sa contribution au chiffre d’affaires du groupe. Même tendance baissière sur les revenus des activités fixes établis à 24,3 milliards en 2019 (-8,2 % qui équivalent à 1,8 milliard comparé à 2018). Le Sénégal porte la quasi-totalité de ce chiffre d’affaires (23,6 milliards). Celui sur l’interconnexion nationale n’échappe pas à la baisse (-11,6 %). Il s’élève à 26,4 milliards (-3,5 milliards par rapport à 2018). Cette diminution s’explique par celle des tarifs d’interconnexion qui sont passés de 6 F à 4,5 F au Sénégal et de 7 F à 4 F au Mali.

«Orange Money ne peut continuer ad vitam aeternam…»

En effet, 1 client sur 5 utilise tous les mois des services financiers mobiles d’Orange Money. Et la direction se défend de faire une concurrence déloyale aux banques. ‘’Nous ne sommes pas une banque. Nous avons beaucoup fait pour l’inclusion financière. Qui fait partie des objectifs de la BCEAO. Donc, nous sommes bien dans le cadre réglementaire’’, se défend Ramatoulaye Diallo Shagaya, Directrice d’Orange Finances Mobile Sénégal. Au chapitre des relations entre le groupe et les distributeurs, elle précise. «Orange Money existe depuis 10 ans au Sénégal. Pendant 8 années, Sonatel a investi des milliards sur le produit. Car, pour avoir une inclusion financière, il faut un grand réseau de distribution. En plus, il a fallu une plateforme et, en gros, beaucoup d’investissements. Et pendant ces années-là, Sonatel reversait aux distributeurs plus de 80 % de tout ce qui rentrait en termes de transaction. Tout cela pour accélérer le développement du produit, pour l’installer et encourager les distributeurs à être dans ce canal. Il est tout à fait naturel que, dans le temps, ce pourcentage se rééquilibre. Orange Money ne peut pas continuer à exister ad vitam aeternam en mode investissement». De ce fait, poursuit-elle, «il a fallu qu’on rééquilibre la relation entre les distributeurs et l’entreprise. Il y a eu des remous en 2018 ; il n’y en pas eu en 2019, parce que la croissance de l’activité est très bien partagée. Depuis un an ou deux, on est à un tournant. Le plus important, c’est l’inclusion financière».