Directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (COUD), Maguette Sène révèle, dans cette interview avec L’Observateur, le nouveau dispositif biométrique mis en place pour mieux sécuriser le campus universitaire et les codifications. Maire de la commune de Malicounda, il explique aussi sa volonté de rempiler.
Le Recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar a décidé, désormais, de la sécurisation de l’espace universitaire à travers la mise en place d’un dispositif sécuritaire basé sur les identifiants numériques. Qu’en pensez-vous en tant que Directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar ?
Le communiqué du Recteur s’inscrit dans la logique de ce qui a été convenu avec les étudiants en cours d’année, lors des moments de violences. On avait constaté beaucoup de violences à l’Université et même l’opinion publique a été choquée par certaines scènes. Et depuis lors, les étudiants, le Rectorat et nous étions convenus de travailler à ce qu’il y ait plus de paix, moins de violences et plus d’ordre dans l’espace universitaire. Le communiqué du Recteur s’inscrit dans cette logique et il a fait l’objet de discussion avant de sortir. Nous avons discuté de toutes les questions et il est retenu que l’espace universitaire ne doit plus être comme un marché. Comme c’était le cas. Un espace où on entre et sort comme on veut sans être identifié. Ce n’est pas digne de ce que devrait être notre espace universitaire. Il y a une volonté des autorités universitaires de vouloir assainir et de mettre beaucoup plus de rigueur dans le contrôle des accès au niveau de l’espace universitaire. À l’Université, aussi bien du côté du Rectorat, du COUD et des étudiants, nous avons pris l’engagement de faire de l’espace universitaire, un espace enviable. C’est cela le défi. Désormais, au niveau des entrées, il va y avoir plus de rigueur dans le contrôle.
Avez-vous déjà un dispositif préétabli qui sera là pour faire ce travail ?
Le dispositif est très simple. Nous avons des postes de sécurité au niveau de toutes les portes de l’Université. Les 85 000 étudiants régulièrement inscrits ont la latitude et la liberté d’entrer et de sortir de l’espace universitaire. Il ne doit pas y avoir de problème par rapport aux étudiants régulièrement inscrits. Maintenant, la difficulté, ce sont ceux qui ne sont pas étudiants et qui veulent faire de l’espace universitaire leur espace de vie. Tout le monde (autorités de l’Université et étudiants) est d’accord que cela est inacceptable et qu’il faut l’assainir. Donc, la réforme vise à limiter l’accès à l’Université à ceux qui ne sont pas des étudiants. Chaque étudiant à sa carte. Mais sur l’actuelle carte d’étudiant, il y a des données biométriques qui ne sont pas présentement activées. Avec le nouveau dispositif, nous voulons faire des check-points au niveau de toutes les entrées pour que les étudiants puissent y accéder avec leurs cartes activées (la carte biométrique, Ndlr). Il va y avoir un dispositif d’activation des cartes des étudiants. Cela nous permettra de distinguer ceux qui sont étudiants et ceux qui ne le sont pas. Il va y avoir des badges pour les travailleurs de l’Université. Ce seront des cartes professionnelles magnétisées qui vont permettre à tout travailleur d’entrer et de sortir de l’Université. Pour les visiteurs, il y aura des badges qui leur faciliteront l’entrée, mais qui vont retracer leur parcours. Il sera indiqué aux visiteurs des heures d’entrée et de sortie de l’Université.
On sait que les préposés à la sécurité (vigiles) à l’Université ne sont pas investis d’une mission de Police. Souvent, c’est assez difficile pour eux d’intervenir pour imposer l’ordre dans certaines situations…
(Il enchaine) Je suis d’accord avec vous. Il y a des limites pour notre service de sécurité, dans la mesure où ils (préposés à la sécurité) ne peuvent ni être armés, ni violenter un étudiant. Et parallèlement, ni la Police ni la Gendarmerie ne peut entrer à l’Université. Mais ça, c’est peut-être pour le maintien de l’ordre qu’ils (préposés à la sécurité) ont ces limites-là. Mais pour contrôler des accès à l’entrée des non-étudiants, les étudiants eux-mêmes sont d’accord pour qu’ensemble nous travaillions pour mieux sécuriser le Campus. Donc, cela ne doit pas être difficile pour un vigile qui est placé à une porte, d’empêcher à quelqu’un qui n’a rien à voir avec l’Université d’y entrer.
Tous les étudiants n’ont pas le même comportement. On a eu à voir des étudiants armés à l’Université et d’autres qui s’adonnent au trafic de chanvre indien. Est-ce qu’avec ce type d’étudiants, ça ne sera pas assez difficile pour mettre en œuvre ce nouveau protocole sécuritaire ?
Non. Quand on est étudiant, on n’a pas besoin de faire la violence pour entrer dans l’espace. Tous les étudiants ont la liberté d’entrer et de sortir, autant qu’ils sont. Maintenant, comment quelqu’un qui n’est pas étudiant peut-il brandir une arme pour s’imposer ou forcer à traverser une porte ? Cela ne doit pas être possible. Tous les étudiants sont d’accord aujourd’hui que l’espace universitaire doit rester aux étudiants.
On a constaté qu’en 11 mois au COUD, vous avez réussi à changer le cadre physique de l’Université. Mais on a l’impression qu’il y a inadéquation entre le cadre actuel et la violence à l’UCAD ?
En fait, les violences de l’année dernière à L’UCAD étaient liées à un contexte politique et social particulier. Donc, il faut savoir que l’Université subit les soubresauts de ce qui se passe au niveau national. Je crois qu’en mars dernier, ce qui s’est passé ne s’est jamais passé au Sénégal. Il y a eu des conséquences de cela à l’Université. Il y a eu un climat politique et social qui a fait que l’Université l’a ressenti. Cela, parce que dans l’Université, vous avez des représentants de tous les partis politiques (pouvoir comme opposition). Et tout ce qui se passe à l’extérieur se répercute à l’Université. C’est simplement à cause de ça qu’il y a eu autant de violence à l’Université. Nous sommes en train de tirer les conséquences de tout cela et toutes les mesures que nous sommes en train de prendre s’inscrivent dans la logique de réduire à leurs stricts minimums les violences. Nous sommes dans une logique de collaboration qui devrait nous permettre d’avoir la paix et la quiétude qu’il faut dans l’espace universitaire.
Vous parlez de 85 000 étudiants à l’UCAD. On va vers la rentrée universitaire, prévue le 18 Octobre 2021. Quelles sont aujourd’hui les dispositions prises pour faciliter cela ?
La rentrée, c’est d’abord le cadre physique que nous sommes en train de rénover. Pour ce qui est de l’environnement physique, nous sommes en train de tout faire pour que l’Université soit un milieu envié où il est agréable de vivre. Nous sommes en train de mettre en place de grosses citernes avec des pompes puissantes pour régler le problème d’eau dans certains pavillons. Dans le domaine de l’hygiène, nous avons fait un contrat avec une société qui devrait nous permettre d’éradiquer tout ce qui est ordure dans l’espace universitaire. Il y a aussi l’équipement des chambres d’étudiants. Nous avons commandé 500 lits et 1 000 matelas qui seront livrés avant l’ouverture. Chaque chambre d’étudiant sera équipée d’une table, d’une chaise et d’une poubelle. Nous voulons que l’hygiène parte d’abord de la chambre de l’étudiant. Maintenant, au plan sécurité, désormais l’octroi des chambres sera bien encadré. Des chambres ne seront plus octroyées à des non-étudiants qui étaient souvent à l’origine de beaucoup de tensions. La codification va être faite de manière rigoureuse sur la base d’une plateforme qui permettra à tout ayant droit de valider son inscription. Il y aura un dispositif sécuritaire qui va être non seulement déployé dans tout le Campus social, mais aussi dans toute l’Université. Au niveau de toutes les portes d’entrée, il y aura un contrôle qui permettra de filtrer et de savoir qui est étudiant et qui ne l’est pas.
85 000 étudiants, c’est quand même beaucoup. Est-ce qu’il y a des lits disponibles pour l’hébergement de tous ces étudiants ?
Le taux d’hébergement d’une université ne peut jamais être à 100%. L’hébergement doit être un critère d’excellence, un critère de motivation. Même à Kigali où j’ai été en visite récemment, c’est le tiers (1/3) des étudiants qui sont logés à l’Université de Kigali. Également, au Sénégal, en fonction des universités, le taux peut varier entre 20 et 30%. À Dakar, nous avons 85 000 étudiants, mais nous avons 10 000 lits. Ça, il faut saluer l’effort du Président Macky Sall, parce qu’en 2012, en arrivant au pouvoir, il avait trouvé la capacité d’accueil du Campus social de Dakar à 5 000 lits. Il a construit beaucoup de pavillons et a doublé cette capacité à 10 000 lits. Si les chantiers de 20 pavillons finissent, la capacité d’accueil va passer de 10 000 à 20 000 lits à Dakar. Mais pour cette entrée, la codification se fera sur les 10 000 lits.
Est-ce qu’avec la nouvelle plateforme en ligne dédiée aux codifications, on peut espérer la fin du système de ‘’clandotage’’ à l’UCAD ?
Ce qui est mauvais, c’est le ‘’clandotage’’ des non-étudiants. C’est ça qui est réprimable. Mais on ne peut pas empêcher un étudiant qui a un lit de le partager avec son frère étudiant. Ce n’est pas souhaitable de le faire. On aurait souhaité que chaque étudiant ait sa chambre. En relation avec les étudiants, nous allons combattre cette année le système de ‘’clandotage’’ des non-étudiants.
Parlons de politique. Vous êtes candidat à votre propre succession à Malicounda. Qu’est-ce qui vous pousse à vouloir encore briguer la mairie ?
Ce n’est pas moi-même qui l’ai exprimé, bien que je ne refus pas. Ce sont les adjoints au maire, les présidents de commission, les conseillers municipaux, les responsables politiques de la coalition Benno bokk yakaar (Bby), tous unis comme un seul homme, qui m’ont dit : «Monsieur le maire, on va organiser, pour toi, un meeting d’investiture.» Ce meeting mémorable a été organisé au mois de juillet dernier. Il y a eu une mobilisation monstre au cours duquel meeting mes pairs m’ont investi pour être leur candidat. Je l’ai accepté avec humilité dans la mesure où, nous avons commencé à Malicounda un travail remarquable. Et je crois qu’il serait bien de continuer ce travail. Le premier mandat, c’était un mandat des besoins de base. Nous avons réussi à réaliser, dans notre commune, 100% d’accès à l’électricité en 2021, avant le deadline fixé par le Président Sall en 2025. Nous avons beaucoup fait dans le domaine de l’eau, avec la construction de trois forages, sans compter l’extension des forages qui existaient. Dans la santé, nous avons aussi beaucoup fait pour nos populations. Nous avons trouvé le plateau médical de Malicounda à 6 postes de santé. Nous en avons construit 7 nouveaux postes de santé au cours de notre mandat. Dans le domaine de l’éducation, nous avons construit au moins 30 classes, confectionné plus de 1 000 tables-bancs, sans compter les fournitures scolaires données chaque année aux élèves. Il y a une ambition qui est là d’investir dans le développement pour seconder le Président Macky Sall au niveau local. Notre second mandat, nous voudrions qu’il soit un mandat des grands projets qui donnent l’emploi, créent la richesse, tout en continuant d’assurer les besoins de base qui ne sont pas totalement satisfaits. Puisque, quand il y a vie, les besoins de base augmentent.
Vous avez été nommé l’un des meilleurs maires du Sénégal. Mais vos adversaires politiques ne cessent de dénoncer votre gestion du foncier dans la commune de Malicounda. N’est-ce pas là un gros problème ?
Notre titre parmi les trois meilleurs maires du Sénégal, s’il y a des adversaires qui le contestent, ce n’est pas moi qui l’ai dit. Parlant du foncier, lorsque j’ai été élu maire, mon objectif était de faire en sorte qu’il y ait la sécurité juridique dans le foncier à Malicounda. Avant notre arrivée à Malicounda, quand tu avais une parcelle, ce n’était pas sûr que tu sois le propriétaire. La cession d’une parcelle d’un propriétaire à un autre était tellement facilitée. Toutes les dérives étaient possibles. Malicounda était en procès partout jusqu’à la Cour suprême. C’est pourquoi, je me suis dit qu’il faut une sécurité juridique dans le foncier. Nous avons mis en place un dispositif très rigoureux qui nous a permis de réaliser cet objectif. Jamais on ne m’a convoqué dans un tribunal pour des faits relevant de ma propre personne, de ma propre signature, pour des questions foncières. Ceux qui parlent du foncier n’ont absolument rien à dire.
Pourtant, des activistes comme Guy Marius Sagna, en compagnie des populations, sont venus marquer le coup de cette dénonciation-là…
Finalement quel a été le résultat ? Est-ce qu’il y a eu une seule preuve qu’une malversation a été faite ? Il n’y en a pas. S’il y en avait, aujourd’hui on serait ailleurs. Je sais la peine que je me suis donnée pour que la commune puisse prétendre le petit droit sur cette assiette foncière. Toute personne qui veut faire croire autre chose aux gens se trompe. Tôt ou tard, Dieu nous jugera.
Comment faites-vous pour trouver cet argent que vous investissez à Malicounda, alors que beaucoup de mairies du pays peinent à mobiliser des fonds ?
Nous avions trouvé le budget de Malicounda à moins de 400 millions de FCfa. Aujourd’hui, nous l’avons amené à un peu moins d’un (1) milliard de FCfa.
En faisant comment ?
Nous avons assaini. Je donne un petit exemple : les frais de bornage et de mutation que nous avions trouvés à moins de 50 millions de FCfa par année, aujourd’hui, j’ai signé le dernier bordereau pour les frais de mutation et nous sommes à 198 millions de FCfa en début octobre, et il nous reste encore trois mois de gestion. S’il plaît à Dieu, nous irons à 250 millions de FCfa. Chaque année, on assainit. Tout entre là où ça doit entrer. Ce sont ces assainissements-là qui font que sur nos ressources propres, il y a des plus-values qui ont été notées. Et le partenariat aussi nous a permis de faire beaucoup de choses. Il y a également l’appui du Président Macky Sall à notre commune.
Qu’en est-il du financement des femmes à Malicounda ?
Les femmes ont longtemps souffert des prêts de banques avec des intérêts exorbitants. Quand nous sommes arrivés à la tête de la mairie, des femmes ont demandé de ressusciter la tradition qui était là, notamment les tontines. Avec ce système, les intérêts qui devaient aller aux banques sont revenus aux femmes. Aussi, j’ai dit aux femmes de se tourner vers la production. Ainsi, nous avons créé 4 unités de savonnerie à Malicounda, 2 dans le Nord et 2 dans le Sud. Les bénéfices reviennent à l’usine et aux femmes. Les femmes ont participé à la mise en place de ces unités et la Délégation générale à l’entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes (Der) nous a accompagnés à faire les investissements qu’il faillait. Aujourd’hui, c’est la crise du Covid-19 qui a un peu freiné l’activité, puisque la matière première que les femmes utilisaient venait de la Sierra Leone.