«Laye Diaw aurait pu encore s’exprimer ainsi, comme un clin d’œil à l’histoire : « Allo Laye Niang ? Un instant, je vais du côté de Saint-Louis avec Golbert au stade Wiltord, devenu stade Me Babacar Seye. «Allô Golbert ? Golbert Diagne à Saint-Louis ? Golbert, tu nous entends ? » Golbert reste injoignable. Cette fois-ci, ce ne sont ni les aléas climatiques, ni les caprices de la technique du son. La ligne est coupée. Et définitivement. Pour la première fois, Golbert ne réagit pas à la sollicitation professionnelle. Pour une fois, il est aphone, les yeux rivés sur ces terres de Marmyal, le cimetière de la Corniche à Saint-Louis, ces fosses sombres aux labyrinthes hostiles qu’il connaît paradoxalement si bien dans ses moindres coins et recoins au point d’y avoir choisi l’emplacement de sa dernière demeure, le seul vrai titre foncier, aimait-il à répéter.

DEMEURES ÉTERNELLES

Saint-Louis se souvient que, chaque année, après avoir réuni la participation matérielle et financière des généreux donateurs, il appelait toutes les bonnes volontés au nettoyage des différents cimetières de Ndar. Une foule immense l’accompagnait toujours aux demeures éternelles. À cette occasion, il prenait toujours la parole pour ne s’inquiéter que d’une seule chose : qui va pérenniser son œuvre après sa mort ? Malal, digne fils, le défi t’est encore lancé. Par ce geste répété des années durant, Golbert nous faisait mieux comprendre cet épitaphe sur la tombe d’un mort enterré au cimetière de « Thiaka Ndiaye » de Saint-Louis : « Nous avons été ce que vous êtes (des vivants), vous serez ce que nous sommes (des morts). Gol avait, très tôt, compris que les choses ici-bas, les choses matérielles derrières lesquelles nous courons et qui nous éloignent de plus en plus de Dieu le Tout Puissant, ne sont que vanité. Il savait, mieux que quiconque, que l’argent règne sur tout maintenant, sur la politique, sur la presse et sur les esprits. Mais il voyait dans le pouvoir de plus en plus tyrannique de l’argent, une baisse du civisme et de la moralité républicaine. C’est pourquoi, il ne ratait aucune occasion de conseiller les jeunes de prendre exemple sur des hommes et femmes de valeurs. « Nit dafay ame diome » (la personne doit être digne), aimait-il à dire dans son accent Saint-Louisiens qui lui était si particulier. Ce qu’il détestait le plus, c’est la déperdition de la jeunesse. Golbert qui nous quitte sans en avoir tout dit sur tout ce qu’il sait, c’est la nation entière qui perd un de ses plus illustres fils, en cette période si cruciale de guerre sanitaire contre la pandémie du Covid-19, alors même qu’il aurait pu nous être très utile au vu de sa grande capacité de persuasion et de mobilisation des masses.

LE SPORT EN BANDOULIÈRE

Après la mort de Pape Diouf, ancien président de l’Olympique de Marseille, harangueur hors pair et spécialiste de la formule juste, c’est le monde sportif qui reçoit un double camouflet à l’annonce du décès de Golbert. Le sport, Golbert Diagne l’a porté en bandoulière jusqu’à son dernier souffle. Même s’il n’a pas été un foudre de guerre au football, il l’a pratiqué avec application, comme à son habitude, dans son premier club, les Almamys de Saint-Louis, ses premières amours sportives. Bien sûr qu’il a chéri la Linguère de Saint-Louis ensuite. Parce que, ce qu’il aimait par-dessus tout, c’est Ndar. Et tout ce qui pouvait aider à l’unité de ses fils l’intéressait au plus haut point. Il fit donc tout pour unir les Saint-Louisiens autour de l’essentiel : le soutien à l’équipe fanion de la Linguère, malgré d’autres obédiences comme les Espoirs de Saint-Louis du regretté Sarr de Guilé, l’homme au mouchoir blanc et Alioune Diagne, sans compter le Barack devenu Réveil qui a révélé bien des talents sous le regard bienveillant du défunt Mawade Wade. Grâce au football, Golbert a traversé les âges. Sa générosité de cœur et dans l’effort lui a permis de côtoyer toutes les catégories : pupilles, cadets, juniors, seniors, Uassu, sélection nationale. Aucune messe sportive ne le laissait indifférent. Il a appris le BA-BA du football en pratiquant l’arbitrage tout en étant l’un des plus illustres reporters sportifs du Sénégal aux côtés de ses amis de toujours Abdoulaye Diaw, Abdoulaye Niang, Doudou Diène…

SATHIOMBY, BALABASS DIALLO…

Pendant de longues années, la Tribune des Sports, l’émission sportive fétiche de l’Orts qu’animait avec brio Laye Diaw, a bercé notre jeunesse, nous permettant grâce à la magie des ondes de nous familiariser avec les plus grandes stars du football sénégalais des années 80- 90 et de placarder ensuite sur nos murs de chambres d’écoliers leurs photos. Ils ont pour noms : Yoro Diongue, Sylvain Nkom, Séraphin Coly, Manou Corréa, Thierno Mboup, Diene Diouf, Badou Gaye, Christophe Sagna, Serigne Mbaye Fall, Cheikh Fam, Yatma Diouck, Serigne Youssoupha Thiam, Mbaye Touré, Léopold Diop etc. C’est ainsi que les week-ends étaient les moments les plus attendus par les écoliers que nous étions, non pas seulement pour la trêve dans les cours, mais aussi et surtout parce qu’ils nous permettaient de nous délecter à la voix captivante de Laye Diaw. Ce dernier, conscient de la valeur et du professionnalisme de ses confrères qu’il avait à portée de manettes, se faisait un réel plaisir… de faire plaisir aux sportifs sénégalais. C’étaient pour lui et pour nous des moments privilégiés d’incursions furtives, de voyage dans l’esprit sur tous les stades du Sénégal. « Allô Sathiomby ? », « Allô Laye ?’’, « Balabass Diallo ? » « Oui Laye, je vous entends parfaitement ». Si ce n’est pas le cas à l’autre bout du fil, Abdoulaye Diaw rebondit : « Balabass, je vous tiens en repérage, le temps d’aller à Saint-Louis pour prendre l’ambiance du match de la Linguère contre… avec Golbert ». « Allo Golbert ?, Gol, si tu m’entends, réagis. Tout le monde sportif a les yeux et les oreilles rivés sur Saint-Louis. Golbert ? Golbert ? ». Aucune réponse. Le fil du dialogue est rompu. La voix du Nord s’est tue à jamais. On n’entend plus que le grésillement des regrets, le crépitement des cœurs brisés ; les esprits sont brouillés. Ironie du sort, Golbert est mort au moment où le sport agonise sur tous les stades du monde. C’est le retour de Dieu et à Dieu. Golbert savait qu’il est son unique maître. Qu’il l’accueille en son saint paradis».