PAR BOUBACAR SADIO, COMMISSAIRE DIVISIONNAIRE
DE POLICE DE CLASSE EXCEPTIONNELLE À LA RETRAITE
Monsieur le Président de la République, permettez à ma très modeste personne et à l’humble citoyen que je suis, de vous souhaiter, à vous et à l’ensemble des Sénégalais, un mois de ramadan dans les meilleures conditions de santé. Qu’ALLAH Le Tout-Puissant, Maitre de l’univers et de nos fragiles destins d’êtres insignifiants et ignorants, nous Couvre de Sa Grace éternelle et qu’Il Agrée tous nos actes de dévotion. Puisse-t-il répandre sa miséricorde infinie sur nos familles et nous préserver de la malédiction du Covid-19 qui a fini de plonger l’humanité entière dans un désarroi et une angoisse, certes, prégnants et difficilement supportables, mais tout aussi salutaires, parce que nous ramenant à la vérité et à la réalité de la puissance divine et surtout et par-dessus tout, à reconsidérer notre condition humaine. Dans son expression et sa manifestation démocratiques, rarement observées, le Covid-19 ignore les frontières physiques des pays, les classes sociales, les tranches d’ âges, les statuts, les fortunes et toutes les autres considérations que les hommes ont artificiellement créées pour une différenciation dont la vanité et l’inanité sont étalées au grand jour.
Monsieur le Président de la République, dans le cadre de la lutte contre le covid-19, vous avez créé un comité de suivi et nommé à la tête le brillantissime Général François Ndiaye. Permettez-moi d’exprimer un sentiment ambivalent par rapport à cette initiative. D’abord, j’adresse mes très vives et très sincères félicitations au général François Ndiaye, un militaire de grande valeur et pétri d’extraordinaires qualités professionnelles, comme tous les généraux de notre vaillante armée. Son parcours, sa carrière et son profil forcent l’admiration ; toutes choses qui imposent le respect et lui attribuent, quels que soient les postes occupés et les responsabilités qui lui sont confiées, une forte présomption d’efficacité toujours confirmée et un très large indice de confiance.
Monsieur le Président de la République, permettez-moi de vous signifier, qu’une fois encore, alors que nous traversons une période difficile et pénible de notre histoire, vous vous êtes offert le luxe incongru de ne pas respecter, votre parole, une parole véritablement instable. N’aviez-vous pas promis de mettre immédiatement en place un Comité de pilotage national et inclusif qui aura en charge toute la gestion des fonds de la Force Covid-19 ? Cette déclaration faite solennellement, devant l’opinion nationale et la communauté internationale très attentive à tout ce qui rapporte à la pandémie, avait suscité un immense espoir. Mais malheureusement, comme à l’accoutumé et comme vous en avez la très mauvaise habitude, vous vous êtes délié de votre engagement et avez foulé au pied votre promesse.
Monsieur le Président de la République, la désinvolture et la légèreté que vous imprimez à vos propos sont d’une gravité extrême. A la limite, on pourrait, à juste raison, considérer un tel comportement, une telle attitude comme la manifestation récurrente d’un mépris inexplicable à l’endroit des Sénégalais dont la grande majorité a de vous l’image, non point d’un fieffé menteur, ce serait impertinent, très désobligeant et irrespectueux de leur part, mais d’un bonimenteur parfaitement abouti, c’est-à-dire au summum de son art. A cause de votre parole fluctuante, voilà qui sans consistance, des sénégalais pensent que vous êtes moralement disqualifié pour présider aux destinées de notre pays. Soyez plus sérieux, respectez-vous et faites l’effort, peut-être pas facile de votre part, je l’admets, de donner du sens et un sens, donc de la valeur, à votre parole qui a perdu toute crédibilité.
Monsieur le Président de la République, la création d’un comité de suivi à la place du comité de pilotage initialement annoncé, a été vue et interprétée par beaucoup de vos compatriotes dont moi-même, comme une réponse urgente et précipitée pour dissiper le tollé provoqué par les turpitudes pour ne pas dire les graves et non moins indécentes forfaitures de votre charmant beau-frère Mansour Faye. Avec des éléments plus que probants, il est accusé d’avoir octroyé des marchés sur des denrées alimentaires, notamment le riz, le sucre et l’huile, dans l’opacité la plus totale sur la base de considérations amicales, parentales, claniques, politiciennes, avec de forts soupçons de rétro commissions. Nous savons tous comment cela se passe dans notre pays. Comme avec votre petit frère Aliou Sall, éclaboussé dans le gravissime et inoubliable scandale du pétrole et du gaz, vous vous êtes évertué à assurer, en bon avocat des intérêts du clan, la défense de votre beau-frère Mansour Faye, le frère de Marième Faye. C’est peine perdue que de réclamer des sanctions ou une quelconque enquête, tout simplement, parce qu’il ne vous viendra jamais à l’esprit, un seul instant, d’effaroucher la Première dame, et pour cause.
Monsieur le Président de la République, la présence du général François Ndiaye peut conférer une forte présomption de confiance mais jamais une certitude encore moins une véritable garantie de transparence. Ce n’est pas une affaire de personne ni d’individu, c’est un problème éminemment systémique. Le général agit, évolue, exerce, pratique, pense et réfléchit en référence permanente au code militaire qui est aux antipodes du code de conduite des politiciens, dont vous êtes le parangon et le prototype achevé. Les politiciens se meuvent avec aisance dans la faune des carnivores, des chacals, des hyènes ; ils se complaisent dans le mensonge, la duperie, la fourberie, l’hypocrisie, la supercherie, la tromperie et ils se nourrissent de lâcheté, de trahison et de compromissions. Le grand handicap du général François Ndiaye réside au niveau de son statut de militaire en activité, donc sous votre double commandement, en votre qualité de Président de la République et de Chef suprême des armées. Le général est formaté dans le respect strict de la hiérarchie, dans l’obéissance totale au supérieur, dans l’exécution des ordres sans murmures ; les militaires sont astreints à la discipline la plus rigoureuse, c’est, d’ailleurs ce qui fait leur force. Pourra-t-il déroger aux règles intangibles de son crédo professionnel ? Osera-t-il passer outre vos ordres, quand bien même les circonstances l’exigeraient ? Il ne faudrait surtout pas que l’utilisation des hommes de tenue serve malicieusement ou pernicieusement à atteindre des objectifs et à réaliser des desseins sournoisement cachés.
Monsieur le Président de la République, vous avez bien voulu définir les prérogatives du Comité de suivi en lui assignant des missions essentiellement proactives ; c’est louable certes, mais vous auriez dû et pu lui donner, entre autres missions de vérifier toutes les opérations qui ont été faites en amont ou des centaines de milliards ont été distribuées et des marchés octroyés dans des conditions de très grande opacité, sans aucune transparence, en violation totale et flagrante des règles et principes élémentaires de gestion des fonds publics . Votre responsabilité, ne serait-ce que du point de vue moral est totalement, pleinement, entièrement et absolument engagée. Aucun ministre du gouvernement, surtout qu’il n’y a plus de Premier ministre, n’ose engager de l’argent public portant sur des milliards sans votre accord préalable, c’est impensable ; pour tout simplement dire que vous n’ignorez rien, absolument rien de tout ce qui se passe. Vous êtes l’unique responsable de tous les scandales commis sous votre magistère ; si vous n’en êtes pas l’auteur direct, vous les avez couverts, encouragés voire favorisés par votre silence approbateur. Vous avez publiquement reconnu et avoué avoir mis sous le coude des dizaines de dossiers qui, normalement auraient dû valoir aux personnes incriminées des poursuites judiciaires. Votre aveu est grave et scandaleux ; par cette déclaration vous reconnaissez avoir soustrait des délinquants des griffes de la justice, d’avoir entravé le bon fonctionnement de celle-ci et de vous être rendu coupable du délit de recel de malfaiteur.
Monsieur le Président de la République, vous avez opportunément mis à profit la pandémie du Covid-19 pour enfourcher la bataille portant sur l’annulation de la dette des pays pauvres, particulièrement africains. Vous vous en êtes fait le héraut et le héros, évoquant le sujet à tout bout de champ, mettant à contribution les relais médiatiques occidentaux. Des voix de différentes personnalités, notamment celle du Pape, se sont jointes à vos pathétiques et émouvantes adjurations. Par contre, certains citoyens avertis des pays occidentaux, notamment les Français, ont manifesté leur opposition à la posture officielle de leurs gouvernants ; ils ont déclaré ne plus supporter que l’argent du contribuable serve à entretenir les classes dirigeantes corrompues des pays africains.
Monsieur le Président de la République, qu’avez-vous fait de ces centaines de milliards empruntés au nom du peuple ? Quelle a été leur destination finale ? Votre ministre de l’économie a déclaré récemment que c’est vertueux et bien fondé de demander l’annulation de la dette. Je pense le contraire et ne milite pas pour l’annulation d’une dette colossale qui, en réalité, n’a servi qu’à remplir les comptes bancaires de nos dirigeants et à réaliser des éléphants blancs improductifs qui ne sont ni utiles socialement ni rentables économiquement. De l’argent jeté par la fenêtre pour des réalisations de prestige. Vous avez lamentablement échoué dans vos choix stratégiques ; aujourd’hui vous êtes rattrapé par vos erreurs et vos tâtonnements, en somme votre manque criard de vision.
Monsieur le Président de la République, cette manne financière que vous avez dilapidée aurait pu permettre la construction d’hôpitaux de niveau 1 dans toutes les capitales régionales, les équiper d’un plateau médical ultra moderne et d’écoles qui feraient disparaitre les abris provisoires de la honte, d’améliorer substantiellement les conditions de travail et d’existence des enseignants et des personnels de santé. Ces deux catégories de travailleurs sont toujours en première ligne pour doter notre pays de ressources humaines de qualité, parce que bien formées et bien portantes. Le Covid-19 a mis à nu votre incompétence, votre absence totale de vision sur le choix des priorités de développement ; tous les secteurs sont en crise plus exactement en décrépitude.
Monsieur le Président de la République, en quémandant, toute honte bue, sans dignité aucune ni fierté patriotique ou personnelle, que vos maitres blancs procèdent à l’annulation de vos dettes, vous ne donnez pas une image reluisante de notre pays. Vous donnez à notre pays l’image d’un peuple de mendiants voire de gueux affamés et assoiffés, plus préoccupés à se remplir le ventre qu’à se soucier de la pandémie ; sont restées gravées dans nos rétines ces images vous montrant « passant en revue » des sacs de riz. Vous vous trompez largement d’orientation ; le problème n’est pas alimentaire, il est fondamentalement sanitaire. Il faut consacrer le tiers des fonds de la Force Covid-19 à l’équipement d’urgence des structures de santé, à la motivation des personnels de santé exposés en permanence, à l’achat de gants et de produits désinfectants pour leur mis à disposition massive et facile au profit des populations. Le Professeur Seydi n’a-t-il pas déploré et dénoncé la situation qui prévaut à Ziguinchor ? C’est le même tableau à travers tout le pays.
Monsieur le Président de la République, je ne saurais terminer mon propos sans évoquer la situation à la fois tragique et dramatique de nos compatriotes de la diaspora qui, présentement, se sentent abandonnés et totalement délaissés par leurs plus hautes autorités, en pleine déréliction loin des leurs. Non seulement ils vivent le spleen induit par l’éloignement du pays, de la famille, mais les voilà, pour la plupart, confinés dans leurs modestes appartements, augmentant à un niveau élevé leur sentiment d’isolement. Et votre absurde et incompréhensible décision d’interdire le retour au pays des corps des défunts morts du covid-19 vient brutalement en rajouter à leur peine. Votre décision ne s’explique pas, elle ne se justifie ni du point sanitaire ni du point de vue juridique ; aucune norme technique vous interdit de rapatrier les corps de vos ressortissants décédés du covid-19 à l’étranger.
Monsieur le Président de la République, suprême humiliation, vous avez cru devoir dégager un certain montant pour l’achat de sépultures ou ils seront inhumés ; et voilà que vous les traitez comme des pestiférés. Vous semblez vous vanter et vous satisfaire de leur avoir offert gracieusement douze milliards, en faisant semblant d’ignorer que c’est leur argent, l’argent de tous les contribuables sénégalais. Que valent douze milliards comparés aux mille deux cent milliards que nos braves et valeureux compatriotes de la diaspora transfèrent au pays ? Sans leurs apports des milliers de familles sénégalaises vivraient dans une impécuniosité totale et permanente. Les Sénégalais de la diaspora, ayant comme références et principes axiologiques nos valeurs inamissibles de dignité, d’honnêteté, de solidarité et d’amour du terroir, méritent plus de respect, de considération et d’égard de votre part. Ils n’ont guère besoin d’aide alimentaire mais veulent tout simplement que soit sauvegardé leur honneur, préservée leur dignité et reconnue leur valeur.
Monsieur le Président de la République, vous-même avez déclaré sur un ton grave que l’heure est grave ; et quand l’heure est grave le Général, commandant des troupes, normalement, ne devrait pas se donner du bon temps pour s’adonner à des divertissements ludiques, tout son esprit doit etre concentré sur le défi à relever et toutes ses pensées orientées sur le sort de ses compatriotes, plus particulièrement ceux de la diaspora ; mais enfin ! Se permettre de jouer au Ludo en ces moments pénibles et difficiles où les populations sont étrillées par l’angoisse, l’inquiétude et la peur, c’est faire preuve d’un manque d’esprit de solidarité et d’une absence totale du sens des responsabilités. Votre attitude ne fait que traduire au grand jour votre paresse légendaire et votre manque de rigueur notoire dans tout ce que vous entreprenez. L’avion présidentiel ne vous appartient pas, c’est la propriété de la république, du pays, de la nation, du peuple. Il n’y a aucune raison qu’il soit en stationnement ; mettez-le en service et au service de vos compatriotes, notamment ceux de la diaspora qui rendent un immense service au pays. Qu’il aille chercher les corps de nos défunts bloqués à l’étranger pour les rapatrier afin qu’ils soient inhumés conformément à leurs dernières volontés, qui à Touba, qui à Tivaouane, tel autre ailleurs. C’est le strict minimum que vous leur devez.
Le pouvoir au peuple, les servitudes aux dirigeants. TERMINUS 2024.