Le président sénégalais Macky Sall a achevé, mardi 18 février 2020, une visite officielle de deux jours en Mauritanie. Des accords ont été conclus dans plusieurs domaines, dont l’énergie et la pêche, des secteurs-clés dans lesquels les deux pays sont amenés à travailler ensemble. Moussa Diaw, chercheur en sciences politiques à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, évoque les raisons de ce rapprochement.

RFI : Le président sénégalais Machy Sall est à Nouakchott en Mauritanie. Dans quelle mesure cette visite illustre-t-elle le rapprochement entre les deux voisins ?

Moussa Diaw : De façon générale, c’est le raffermissement des relations entre les deux pays depuis l’arrivée de Mohamed Ould Ghazouani au pouvoir. C’était l’invité d’honneur lors du Forum sur la paix et la sécurité en Afrique à Dakar [les 18 et 19 novembre 2019] où il avait prononcé un important discours dans lequel il a insisté sur la stratégie de lutte contre le jihadisme dans la sous-région et également sur la nécessité de rendre cette dimension-là multilatérale, impliquant les Nations unies dans cette grande lutte contre le jihadisme.

Comment expliquer le rapprochement entre les deux présidents ? Est-ce que c’est lié à une question de personnalité ou d’intérêts communs ?

Le rapprochement a été beaucoup plus facile avec Ghazaouani parce que c’est une personne qui écoute, qui développe un état d’esprit, contrairement à son prédécesseur. Une vision beaucoup plus profonde dans l’analyse des questions qui englobent toutes les régions. Donc, des personnalités qui ont pratiquement les mêmes conceptions des relations, notamment le renforcement de la coopération dans cette sous-région.

Est-ce que le rapprochement entre ces deux personnalités serait de nature à inclure la diplomatie sénégalaise dans le G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad), et donc dans les questions de sécurité dans la sous-région ?

Oui. À mon avis, oui. Parce que la Mauritanie va prendre la présidence tournante. C’est possible parce qu’il y a un rapprochement vraiment entre deux personnalités qui ont une conception de ces relations-là qui dépasse donc les contradictions et qui favorisent une bonne entente entre les deux pays. C’est lié à leur personnalité parce qu’on ne pouvait pas comprendre que le Sénégal ne soit pas membre de cette structure-là alors qu’il y a une expertise en la matière. L’armée sénégalaise a cette expertise-là, a participé à plusieurs conflits et interventions pour le maintien de la paix. Et donc, cette expertise pourrait être mise à contribution pour lutter efficacement contre le jihadisme dans la région. Je pense que le président Mohamed Ould Ghazouani va ouvrir cette structure permettant au Sénégal de participer comme tous les autres acteurs.

Au menu des discussions entre les deux présidents, il y a le projet d’exploitation de pétrole et de gaz qui doit démarrer en 2022. Que représente ce projet pour le Sénégal et la Mauritanie ?

Il est stratégique parce que ça permet de générer de nouvelles ressources dont les deux pays ont besoin pour développer leur économie. Donc cet enjeu est important dans l’équilibre et le développement économique de ces deux pays.

C’est le groupe British Petroleum (BP) qui va exploiter ce gisement pendant trente ans. La société Kosmos Energy, qui a découvert ce gisement, détient 30% des parts de ce projet nommé « Grand Tortue Ahmeyim ». Quelles seront donc les retombées réelles pour le Sénégal et la Mauritanie ?

Il y a une part de partage, c’est 50/50, quand les compagnies auront pris leur part. Le reste sera partagé à parts égales entre les deux pays. C’est la raison pour laquelle, conscients de ce que cela représente comme opportunité de développement économique et sociale, les deux présidents ont renforcé cette coopération, se sont entendus pour partager cette ressource. Et cela permettra de créer des emplois, cela permettra aussi de renforcer l’économie, d’imaginer des projets, de les créer et de les mettre en œuvre pour le développement économique et social des deux pays.

Pour le moment, il semble y avoir une entente sur la question du gaz, mais comment peut-on imaginer que l’exploitation se déroule bien, si dans le même temps, l’exploitation des ressources halieutiques, elle, pose problème de manière ponctuelle ?

C’est très ancien cela. Dans la pêche traditionnelle au Sénégal, les pêcheurs n’ont pas l’habitude de respecter les frontières maritimes. C’est ça, la grande question. Ils s’aventurent dans les eaux mauritaniennes et les gardes mauritaniens surveillent. Et c’est ce qui pose souvent des problèmes. À mon avis, dans ce cadre-là, peut-être qu’il va y avoir des clauses. C’est aux deux gouvernements de trouver un terrain d’entente permettant à ces populations-là de vivre de la pêche qui est leur activité principale. Il faudra que les deux pays puissent s’entendre sur cette question et régler ça définitivement. Et c’est possible de régler cette question à partir de compromis qui sont trouvés de part et d’autre afin de lénifier cette question cardinale pour ces populations.