Un tribunal de Nouakchott a condamné, hier, à 5 ans de prison ferme l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz, jugé depuis janvier 2023 pour avoir abusé de son pouvoir afin d’amasser une fortune. M. Aziz répondait depuis le 25 janvier -avec dix autres personnalités, dont 2 anciens Premiers ministres, d’anciens ministres et des hommes d’affaires des chefs d' »enrichissement illicite, abus de fonctions, trafic d’influence ou blanchiment ». Après plusieurs jours de délibéré à huis clos, la cour n’a retenu contre lui que l’enrichissement illicite et le blanchiment. La cour a ordonné la confiscation des biens acquis par des agissements tombant sous le coup de ces 2 qualifications, et prononcé la déchéance de ses droits civiques. L’ancien chef de l’Etat a accueilli le jugement sans broncher. M. Aziz, 66 ans, devient l’un des rares ex-chefs d’Etat en Afrique condamnés pour enrichissement illicite dans l’exercice du pouvoir.
Ses pairs jugés par les justices nationale ou internationale le sont surtout pour des crimes de sang, tel, ailleurs en Afrique de l’Ouest, l’ancien dictateur guinéen Moussa Dadis Camara, jugé depuis septembre 2022. Avec cette condamnation, M. Aziz, détenu depuis le 24 janvier 2023 après avoir passé plusieurs mois en détention en 2021, poursuit sa descente aux enfers sous son successeur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, l’un de ses plus fidèles compagnons dans le passé. M. Ghazouani a été son partenaire dans le coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir en 2008, son ancien chef d’état-major et son ancien ministre de la Défense. M. Aziz reçoit la plus lourde peine de tous les mis en cause. La cour a blanchi deux anciens Premiers ministres et deux anciens ministres, et prononcé contre d’autres des peines dont la plus sévère est de deux ans avec sursis et six mois ferme. Toutes les peines de prison ferme sont couvertes par la détention provisoire, sauf pour M. Aziz, qui est le seul appelé à rester en prison.
« Le procès auquel nous avons assisté est un procès politique, il est très politique dans son verdict également », a dit l’un des avocats de la défense de M. Aziz, Mohameden Ould Icheddou. « Nous allons bien sûr faire appel contre ce verdict inique », a dit un autre de ses conseils, Mohamed Moloud Khyar. M. Aziz a dirigé jusqu’en 2019 ce pays charnière entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, secoué naguère par les coups d’Etat et les agissements jihadistes mais revenu à la stabilité sous sa conduite. M. Aziz a préparé l’accession à la présidence pour M. Ghazouani et lui a cédé la place à l’issue d’élections en 2019, dans la première transition non imposée par la force pour ce pays abonné aux coups d’Etat depuis l’indépendance. Les enquêteurs ont chiffré au moment de son inculpation en mars 2021 à 67 millions d’euros le patrimoine et le capital que M. Aziz, fils de commerçant, se serait constitués en plus de dix années passées au sommet de ce vaste et pauvre pays sahélien de 4,5 millions d’habitants.
Le procureur Ahmed Ould Moustapha avait réclamé contre lui le 24 octobre une peine de vingt années de prison ferme et la confiscation de ses biens. Sans nier être riche, l’ancien président a crié à la machination pour l’écarter de la vie politique. Son successeur s’est toujours défendu d’ingérence. Dans sa dernière prise de parole la semaine passée, M. Aziz avait tout contesté en bloc. « Toutes ces accusations sont erronées, injustes et s’inscrivent dans le complot ourdi contre moi », avait-il dit au cours d’un long monologue. Après être resté discret sur l’origine de sa fortune, il avait causé la surprise dans les derniers instants du procès en mettant en cause son successeur. Il avait affirmé que, le lendemain de son élection en 2019, M. Ghazouani lui avait remis deux valises remplies de plusieurs millions d’euros.