En publiant une liste provisoire des «organes conformes au Code de la presse», le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique dit vouloir poser les jalons d’un «assainissement» du paysage médiatique sénégalais. Quant au Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS), il accuse le gouvernement d’empiéter sur l’indépendance des entreprises évoluant dans ce secteur névralgique de la vie nationale.
Le ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique a publié, ce mardi 3 décembre, la liste provisoire des « médias conformes aux dispositions du Code de la presse ». Lors d’un point de presse, Alioune Sall a dévoilé une série de réformes ambitieuses visant à structurer et professionnaliser un secteur confronté à des défis majeurs. Dans son intervention, le ministre a dressé un état des lieux préoccupant du paysage médiatique sénégalais. Il a rappelé qu’aucun média ne dispose actuellement de l’autorisation légale exigée par la loi. « Nous ne pouvons plus tolérer un secteur où les normes ne sont pas respectées. C’est une situation qui contribue à la précarité économique des acteurs et nuit à la crédibilité de la presse sénégalaise », a-t-il déclaré. Il a également dénoncé la prolifération de pratiques douteuses. « Nous devons mettre fin aux agissements de certains mercenaires de l’information qui ternissent l’image de la profession et exploitent des jeunes journalistes dans des conditions indignes », a-t-il martelé.
Publication d’une liste provisoire
Parmi les 380 médias enregistrés sur la plateforme nationale, seulement 112 ont été jugés conformes aux normes établies par le Code de la presse. Cette liste inclut 10 chaînes de télévision, 14 journaux, 17 radios, 11 radios communautaires, 6 Web TV et 54 sites d’information en ligne. Pour les médias non conformes, le ministre a été clair : « Nous leur donnons une chance de se régulariser. Ceux qui refuseront de se mettre en règle verront leurs activités suspendues et perdront tout accès aux opportunités de financement public ». Alioune Sall a également annoncé une série de réformes destinées à moderniser le cadre législatif et institutionnel des médias. « Nous allons réviser le Code de la presse et le Code de la publicité pour mieux encadrer le secteur, renforcer la transparence et garantir un financement équitable », a-t-il affirmé.
Vers des réformes en profondeur
Parmi les mesures phares figure la création d’un fonds dédié à la production audiovisuelle. « Ce fonds soutiendra la création de contenus locaux de qualité, essentiels pour promouvoir notre identité culturelle et offrir des alternatives crédibles aux productions étrangères », a expliqué le ministre. Le gouvernement prévoit aussi de réorganiser les conventions entre l’État et les médias afin de favoriser l’indépendance éditoriale et d’orienter les financements vers des structures viables. Alioune Sall a conclu en appelant les acteurs du secteur à s’aligner sur cette nouvelle dynamique. « L’État prendra toutes ses responsabilités pour accompagner un secteur des médias structuré, éthique et économiquement viable. Ensemble, nous devons bâtir un environnement médiatique digne de notre démocratie ». Cette initiative marque une étape décisive dans la volonté des autorités sénégalaises de faire des médias un pilier du développement national.
Un pas vers la transparence
Le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique a lancé un appel urgent aux acteurs des médias au Sénégal, leur demandant de se conformer à la réglementation en vigueur. Selon une récente déclaration, les responsables des organes de presse doivent vérifier leur inscription sur la liste provisoire des médias autorisés. Ceux qui ne figurent pas sur cette liste doivent régulariser leur situation dans un délai de 72 heures. Cette initiative vise à renforcer la transparence et la crédibilité du secteur, tout en assurant le respect des lois nationales. Les médias non conformes seront notifiés des manquements à corriger, et des sanctions sévères, incluant la suspension des activités, sont prévues en cas de non-respect du délai. Ce processus, bien qu’exigeant, est un pas décisif vers un environnement médiatique plus structuré et professionnel, en adéquation avec les normes légales du pays.
LE CDEPS EN ORDRE DE BATAILLE
Lors d’un point de presse tenu hier 03 décembre, Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS), a exprimé sa « vive indignation » après la publication d’une liste provisoire de médias reconnus par le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique. Cette liste comprend « 112 entreprises de presse, incluant des télévisions, radios, presse écrite et web TV, conformes aux exigences du Code de la presse ». Mamadou Ibra Kane a « fermement contesté le rôle du gouvernement dans la validation de l’existence légale des médias », rappelant que « selon l’article 11 de la Constitution sénégalaise, la création de médias ne nécessite pas d’autorisation préalable ». Le président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS) a également tenu à préciser que « l’enregistrement au ministère de la Communication ne doit pas être confondu avec la reconnaissance de l’existence légale des entreprises de presse ».
«Notre existence est menacée»
Selon lui, cet enregistrement vise uniquement à identifier les entreprises éligibles aux subventions publiques et à l’accès au marché publicitaire, sans que cela n’ait d’impact sur leur statut légal. Le CDEPS considère cette initiative comme « une tentative de contrôle de l’activité des médias ». Le président Kane a averti que « c’est notre existence même, en tant qu’entreprises médiatiques, qui est menacée ». Il a promis de « prendre des mesures fermes », annonçant « une bataille judiciaire contre les arrêtés pris par le ministre de la Communication, Alioune Sall ». « Nous allons nous battre juridiquement contre cette décision qui constitue une atteinte à la liberté et à l’indépendance des médias », a-t-il ajouté. Cette réaction souligne la tension croissante entre les autorités sénégalaises et les acteurs du secteur de la presse, un secteur déjà confronté à des défis de régulation et de financement dans un environnement politique et économique en évolution.