Le Président Abdoulaye Wade, sous une forte pression des organisations des Droits de l’Homme d’ici et d’ailleurs, de l’Union Européenne, nanties de leur double casquette de bailleurs de fonds-maîtres chanteurs, a fait voter, par son parlement, le 10 décembre 2004, l’abolition de la peine de mort. Il reçoit, comme premier cadeau, les félicitations de l’Union Européenne dans une dépêche du 15 décembre 2004. Mon chanteur préféré El Hadji Ndiaye, à travers un de ses chefs-d’œuvre, a vigoureusement dénoncé cette forme d’aide qui, malheureusement, continue son petit bonhomme de chemin. Les libéraux d’alors, pour dédramatiser l’événement, défendent l’idée selon laquelle Maître Wade a abrogé une loi tombée en désuétude, c’est à dire  presque plus appliquée. Ils auront peut-être raison dans les faits. Mais, soutenir un tel argumentaire, pour justifier l’abolition de la peine de mort, c’est avoir une vision réductrice de la finalité de cette sentence extrême.

Deux agneaux du sacrifice : Abdou Ndaffa Faye et Moustapha Lô

Pour un rappel historique, la peine de mort n’a connu que deux applications effectives sous le magistère du président Léopold Senghor Senghor. Le député-Maire de Mbour Demba Diop, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, au sortir d’une réunion avec le gouverneur de Thiès, le 03 février 1967, fut mortellement poignardé par Abdou Ndaffa Faye, ancien chef de village de Gandigal, dans le département de Mbour, pour raison de rivalités politiques. Reconnu coupable malgré les regrets présentés à la barre, il fut exécuté le 11 avril 1967. Le 22 mars 1967, jour de Tabaski, profitant de la cérémonie protocolaire à la Grande Mosquée de Dakar, Moustapha Lô à l’aide d’un pistolet tente d’assassiner le Président Senghor, sauvé par la promptitude de sa garde rapprochée. Reconnu coupable de tentative d’assassinat, il est condamné à mort. Malgré la réaction musclée de certains chefs religieux, dont feu Serigne Cheikh Tidiane Sy, cousin de l’accusé, le président Senghor resta imperturbable et impitoyable. Il fut exécuté un matin du 11 avril 1967 au camp Dial Diop.

Épée de Damoclès contre le tapis rouge de la barbarie

Vous aurez remarqué que dans les deux cas, entre la commission des faits, le jugement et l’exécution de la sentence, il ne s’est pas passé trois mois, contrairement à nos jours où les accusés des Chambres Criminelles restent cinq ans ou plus en détention préventive avant d’être jugés. Les partisans de Maître Wade oublient, en se fondant sur ces deux seules applications de la peine de mort pour justifier son abrogation, que la peine de mort n’a pas pour seule finalité l’exécution des coupables de crime, car au-delà de l’élimination du coupable, elle constitue une épée de Damoclès, une dissuasion pour toute personne qui serait tenter d’ôter la vie à son semblable. Désormais extirpé de notre droit pénal, le pire qui peut arriver à un criminel est la peine de travaux forcés à perpétuité. Ainsi, le tapis rouge de la barbarie semble être déroulé, notre humanité cède la place à la jungle, la course effrénée à l’argent et au mieux-être pourtant très relatif justifient des crimes rituels d’une atrocité ineffable et insupportable aux âmes sensibles.

Fatoumata Mactar Ndiaye du CESE lâchement assassinée par son chauffeur

Le 19 novembre 2016, à la veille du Magal de Touba, Fatoumata Mactar Ndiaye, cinquième vice-président du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE), responsable politique à Pikine, fut lâchement assassinée par son chauffeur Samba SOW pour une banale tentative de vol d’argent mal tournée. Son fils et sa maman témoins oculaires eurent malheureusement droit à des images  comparables aux sacrifices rituels de moutons de Tabaski. Le traumatisme de ce spectacle horrifiant leur vaudra un suivi psychologique qui ne pourra jamais effacer de leur mémoire cette mort atroce gravée dans la conscience collective des sénégalais. Le 21 janvier 2020, Samba Sow écope d’une peine de travaux forcés à perpétuité.

Bineta Camara étranglée à mort par son bourreau de violeur

Le 18 Mai 2019, le quartier Saré Guilele de Tambacounda fut le théâtre d’une  autre scène  d’horreur. Pape Alioune Fall, homme de confiance de la famille, profitant de la quiétude des lieux, n’a trouvé rien de mieux que de tenter de violer la fille de son «patron». Devant la farouche résistance de Bineta Camara, il finit par l’étrangler à mort. En détention préventive, il a eu le culot de solliciter une liberté provisoire pour cause de pandémie de la Covid-19. Cet énergumène qui a meurtri à jamais toute une famille ne mérite-t-il une mort digne et douce liée au coronavirus ? Non, il devra agoniser autant que Bineta qui avait choisi la mort sans compromission pour préserver sa dignité de femme. En ce jour, 1er anniversaire de son décès, je voudrai lui rendre un hommage appuyé à la hauteur de la bravoure et du sacrifice des femmes de Nder. Partie en martyr, sa belle demeure du paradis reste la consolation de sa famille et de ses amis. Son bourreau  osera-t-il regarder les yeux dans les yeux Malal Camara, le père de Bineta Camara  qui lui avait ouvert son cœur et toutes les portes de sa maison pour, au finish, récolter la barbarie ? Ce briseur de rêves peut-il mesurer la douleur de la maman de Bineta Camara meurtrie à jamais ? C’est à cause de tels actes que l’on rechigne à adopter des «sourgueu» dans nos maisons, car capables de barbaries à la hauteur de la confiance placée en eux.

L’horreur des deux enfants égorgés à Touba par leur père

Enfin, pour compléter cette liste noire, dans la nuit du 26 au 27 septembre, à Touba, un nommé Bara Touré ayant  pactisé avec le diable, qui lui a promis une relance de ses affaires en déliquescence, a égorgé ses deux enfants. La police sénégalaise dont le professionnalisme est reconnu au-delà même de nos frontières a pris le temps nécessaire pour le démasquer grâce aux analyses effectuées par des laboratoires spécialisés à Dakar et à Bordeaux en France. Pauvre Bara, tu n’as  fait honneur ni à a ton homonyme Serigne Bara MBACKÉ, ni à la ville sainte de Touba. Au moment d’exécuter cette sentence rituelle, as-tu pensé aux nombreux couples à qui il ne manque rien sauf la chance de la maternité ? As-tu pensé à tes épouses, traumatisées à jamais, qui ont souffert pour mettre au monde ces enfants innocents et qui, aujourd’hui, terminent le reste de leur vie brisée sous assistance psychologique ? À quoi serviraient des milliards tachés du sang de tes enfants innocents et sacrifiés ?

Fama Niane, Souadou Ndiaye-Khady Diouf, Mariam Sall-Khadimatou Diallo

Au plus profond de ce gouffre de l’horreur, il y a encore plusieurs autres cas de cruauté qui s’entassent : l’affaire Fama Niane, le jeune garçon tué à Rufisque et mis dans un sac et hier vendredi 16 mai, on apprend qu’à Kounoune, une dame du nom de Souadou Ndiaye a ébouillanté sa belle-mère Khady Diouf avant de l’achever à l’aide de fragments d’un lavabo cassé. Une autre dame du nom de Mariam Sall ébouillante à mort sa voisine Khadimatou Diallo avec du «sombi» à Thiaroye et dont le seul témoignage du médecin suffit pour décrire l’horreur : «Il y a bien longtemps que je n’ai plus revu de telles brûlures comme si cette dame avait été écorchée vive». Avec le surpeuplement de nos prisons, ces criminels ne méritent pas une rente viagère sanitaire et alimentaire avec l’argent  du contribuable dont la contribution éventuelle des héritiers de leurs victimes.

Qu’en serait-il alors des États-Unis ou de l’Arabie Saoudite ?

Mes chers compatriotes, excusez-moi ce récit macabre, d’hommes et de femmes aveuglés par la haine, la jalousie ou la cupidité, j’avais juste le souci de rappeler à nos députés que l’heure est grave et qu’ils doivent prendre leur courage à deux mains en déposant une proposition de loi en faveur du rétablissement de la peine de mort au lieu de nous laisser apprendre à  vivre avec ce virus de la barbarie dont les nombreux cas revenus positivement ensanglantés de cruautés repoussent à jamais le pic devenu finalement un mirage. Qu’on ne nous dise pas que ce serait le retour à la barbarie ou un crime contre les droits de l’homme ou contre la démocratie. Qu’en serait-il alors des pays comme les États-Unis ou l’Arabie Saoudite qui appliquent allégrement la sanction de la peine de mort. Ma conviction est que si la peine de mort est l’unique moyen praticable pour se protéger efficacement de la cruauté et de l’injustice des agresseurs de la vie d’êtres humains, ne pas l’instaurer devient alors plus qu’une complaisance, une complicité à l’égard des assassins.

Oumar SONKO

Juriste, Dakar-Plateau

Email : sonko0007@yahoo.fr