Le samedi 3 février, le président de la République a jeté, comme l’avait anticipé «5 Sur 5», les bases d’un report de la présidentielle que le vote de l’Assemblée nationale est venu confirmer lundi dernier. Promesses, imprévu, sentiment d’humiliation, rupture de confiance avec son candidat et Premier ministre…, votre hebdomadaire de référence a, encore une fois, mené une enquête. Retour sur les dessous insoupçonnés d’une décision controversée.


En cette journée du samedi 20 janvier 2024, le président de la République est, comme à l’accoutumée, loin de jouir d’un week-end de repos. Entre audiences, entretiens téléphoniques et plongée dans des dossiers urgents, Macky Sall s’adonne à la routine d’un chef d’État sans se douter de ce qui se joue non loin de là, dans le bâtiment ayant longtemps abrité l’Ambassade des États-Unis qui fait office aujourd’hui de siège du Conseil Constitutionnel.

L’imprévue Bassirou Diomaye Faye

et les sondages qui le plébiscitent

Dans l’après-midi, alors que les 7 sages délibèrent toujours, le Président apprend en même temps que tout le monde, à travers des fuites dans la presse, deux éléments de leur décision : Karim Wade est recalé, Bassirou Diomaye Faye passe. C’est, selon l’une de nos sources, l’exact contraire de ce qui était prévu. En effet, dans le schéma imaginé par le premier cercle du Président, le décret français du 16 janvier devait permettre à Karim Wade de participer au scrutin et la réclamation déposée par Me El Hadj Amadou Sall, au nom de Benno, contre Bassirou Diomaye Faye, devait priver ce dernier d’élection, au motif qu’il fut membre d’un parti dissous. Surtout que des sondages secrets, commandés par le Palais, informaient que l’ex-secrétaire général du Pastef, même en prison, avait de réelles chances de l’emporter.

Les promesses de Macky à Me Wade, Serigne

Mountakha et l’Émir du Qatar sur Karim Wade

À des proches présents lorsqu’il reçoit confirmation de la décision des juges constitutionnels, Macky Sall dira : « En me faisant manquer à ma parole, ils (les membres du Conseil Constitutionnel) ne m’ont pas trahi, ils m’ont humilié ». C’est que, selon des informations recueillies auprès de diverses personnalités de son entourage et recoupées, le président de la République avait donné sa parole d’honneur à la fois à son prédécesseur Me Abdoulaye Wade, au Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké, et à Cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, l’Émir du Qatar, pays où, depuis sept ans, séjourne Karim Wade. « Ce dernier sera bel et bien sur la ligne de départ de la présidentielle », voilà la promesse faite à ces trois personnalités.

Amadou Ba rattrapé par son pacte avec

Sonko et ses manœuvres contre Wade-fils

Comme nous l’écrivions lors de notre précédente édition, le Premier ministre Amadou Ba voyant se profiler une jonction entre le candidat du PDS et des pans entiers de l’Alliance pour la République (APR) aurait manœuvré pour faire invalider sa candidature. Pire, l’actuel locataire du Petit Palais aurait – cela aussi nous le révélions la semaine dernière – noué une alliance stratégique avec l’ex-Pastef et envoyé des émissaires à Ousmane Sonko en prison pour lui donner des gages. Dans ce deal, selon toujours nos interlocuteurs, comme nous en donnions la primeur dans la même parution, la réclamation déposée contre la candidature de Bassirou Diomaye Faye était interprétée comme une fausse piste. Désormais, dans la reconfiguration qui se dessine, Amadou Ba ne serait plus le candidat de Benno.

Cheikh Oumar Anne, Zahra Iyane Thiam, Mamoudou Ibra

Kane, Cheikhou Oumar Sy, Oumar Sow…, boucliers du PM

En dépit de ses relations « tumultueuses » avec le président de la République, Amadou Ba devrait rester à la Primature au moins jusqu’à l’issue du nouveau dialogue politique initié par Macky Sall. Sauf s’il décide de suivre certains de ses proches conseillers qui l’invitent à rendre le tablier pour se présenter sous sa propre bannière à l’élection à venir.

D’ailleurs, ils sont nombreux les thuriféraires d’Amadou Ba – ceux en activité dans le gouvernement ou ses démembrements seront éjectés dans les prochains jours – à faire des sorties pour le défendre sans coup férir. Il s’agit notamment du ministre de l’Éducation nationale et maire de Ndioum, Cheikh Oumar Anne ; de la directrice générale de l’Asepex, Zahra Iyane Thiam ; du conseiller à la Présidence Oumar Sow, de l’ancien député Cheikh Oumar Sy et du journaliste Mamoudou Ibra Kane.

Tout ce beau monde a fustigé, tout au long de la semaine dernière et bien avant, « les manœuvres cousues de fil blanc qui se déroulent à l’Assemblée nationale, sous le prétexte d’une commission d’enquête parlementaire, qui sont le fait d’un groupuscule bien identifié qui tente par tous les moyens de faire dérailler le processus électoral pour préserver des intérêts bassement égoïstes, au risque de plonger le pays dans le chaos ». Et d’enfoncer le clou : « Le Président Macky Sall doit absolument honorer son engagement de quitter le pouvoir en préservant la stabilité du pays ».

(SOURCE : 5 SUR 5 HEBDO)