L’affectation du Général de brigade Souleymane Kandé, comme attaché militaire à l’ambassade du Sénégal à New Delhi, suscite toujours des interrogations. De mémoire, les généraux ne sont pas mutés dans des postes dévolus aux colonels, voire aux lieutenants-colonels. La preuve, Kandé est appelé à remplacer le colonel Abdoulaye Traoré. Mieux, il est un officier chevronné, qui cumulait les fonctions de Chef d’État-major général de l’Armée de Terre, commandant ainsi 4/5ème des Armées, et de coordonnateur des Opérations Spéciales. «5 Sur 5» retrace la brillante carrière de celui qui peut revendiquer des victoires éclatantes sur la rébellion du MFDC en 2021 et en 2022.

——- Par Étienne Mbaye ——-

Souleymane Kandé n’est pas n’importe qui chez les Jambaar, surnom donné aux militaires sénégalais. Sorti sous-lieutenant de la 14e promotion de l’École nationale des officiers d’active (ENOA) de Thiès, il a rejoint le stratégique Bataillon des parachutistes sis au camp Thiaroye. Ayant à son actif plusieurs missions onusiennes (Centrafrique, Congo et Côte d’Ivoire), il a reçu la Médaille d’Honneur de l’Armée de Terre pour l’année 2016 dans la même cuvée que le général Mbaye Cissé, actuel CEMGA, et le colonel Papa Birane Dièye, Aide de camp du Président Bassirou Diomaye Faye.

«États de service à la prestigieuse École de Guerre de Paris et une fulgurante carrière marquée par une grande précocité»

Ce brillant officier a fait ses états de service à la prestigieuse École de Guerre de Paris d’où il est diplômé de la 21ème promotion. À ce titre, il lui a été décerné, par arrêté du 27 novembre 2015 du ministre français de la Défense, un Brevet d’études militaires supérieures. Il était à l’époque lieutenant-colonel. Il enrichit ce parcours académique par un Master 2 en défense et dynamique industrielle à Paris 2. Pour la petite histoire, il est de la même promotion à l’École de Guerre que le colonel Idriss Moulaye Coulibaly de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers.

Poursuivant une fulgurante carrière marquée par une grande précocité – il est né le 17 mars 1971 à Saré Yoba, dans la région de Kolda- Souleymane Kandé est nommé le 26 août 2019 commandant de la zone militaire numéro 5. À ce titre, il doit affronter l’épineux dossier de la rébellion en Casamance où les hommes de Salif Sadio, de César Atoute Badiate et de Vieux Hendrix Diédhiou s’adonnent à divers trafics et actes crapuleux. Le colonel se révèle au grand public. Il ne se contente de « faire ses années casamançaises » comme le lui recommandaient certains officiers, mais s’emploie plutôt à détruire le MFDC pour garantir le retour de populations déplacées et la fin de l’économie de guerre, notamment le trafic de bois et la culture de chanvre.

«Il lance la sécurisation dans le sud du pays, détruit des bases rebelles et fait subir de lourdes pertes au MFDC»

Kandé commence par enlever tous les check-points sur l’axe Ziguinchor-Cap Skirring pour effacer la psychose de la guerre que cette présence des soldats ne cessait de rappeler.

Le 26 janvier 2021, il lance l’opération de sécurisation de certaines zones dans la partie sud du pays, détruit des bases rebelles et fait subir de lourdes pertes au MFDC dont la déroute fait la Une des médias nationaux et internationaux. Face à certaines réticences de la hiérarchie, il obtient le soutien du Président Sall dans cette entreprise. Ce dernier exige que toute la logistique militaire soit mise à la disposition de ce brave soldat, qui a décidé de faire honneur à son métier : faire la guerre quand il le faut.

À quelque 700 km de la luxuriante forêt casamançaise, les politiciens rivalisent d’ardeur dans un pays fortement secoué par la pandémie de Covid-19. C’était le relatif calme avant la tempête de mars 2021 et sa dizaine de morts, qui a vu un Sénégal sur le point de basculer. De l’action de ce jeune colonel, l’actuel Premier ministre, à l’époque opposant impétueux, dira, le 25 février 2021, alors qu’il fait l’objet d’une accusation de viol, que les « bombardements » dans une partie du territoire nationale, la Casamance, étaient un élément du complot ourdi contre lui.

«Sobre et sans fard, qui n’en a cure de la politique, cet officier rigoureux et ferme ne cède pas à l’auto-glorification»

Le militaire, poursuit son offensive loin des bureaux et des salons de confort dakarois. À la tête de détachements issus des commandos, des parachutistes, du Génie militaire et des éléments du troisième et du cinquième bataillon d’infanterie, colonel Kandé accule les hommes de Salif Sadio et reprend les bases historiques de Bamoune-Bilass, Boussoloum, Badiong et Sikoune où l’armée n’avait pas mis les pieds depuis 40 ans.

C’est la satisfaction à Dakar et dans les autres capitales du pays. Les hommages pleuvent et le jeune colonel apparaît lors d’une interview avec les médias embarqués avec les troupes sénégalaises. Sobre, précis et sans fard, l’officier de courte taille et au teint clair fait le point sur l’opération. Il évite soigneusement les questions pièges et ne cède pas à l’auto-glorification. Son visage fait ainsi le tour du pays. Un héros national est né dans un pays qui aime les belles histoires et les héros tragédiens. 

Il quitte la zone Sud auréolé de gloire, pour poser son paquetage à Dakar après sa nomination, par décret n°2021-1109 du 20 août 2021, commandant des Opérations Spéciales, poste alors vacant.

Il faut dire que la carrière de cet officier rigoureux et ferme a connu une ascension en flèche, propulsée notamment par ses succès en Casamance et son intégrité.

«Ils veulent l’éloigner en Inde où il n’a rien à faire. Mais, je puis garantir qu’il est un homme très déterminé»

En octobre 2022, il est promu Général de brigade, et nommé Chef d’État-major de l’Armée de Terre du Sénégal en remplacement du Général de brigade Philip Henry Alfred Dia. L’homme devient puissant, très puissant, en ayant la haute main sur les 4/5ème de l’Armée, tout en coordonnant les Forces Spéciales chargées, entre autres, de la lutte contre le terrorisme, qui menace de pénétrer le pays par sa frontière Est, contiguë au territoire malien. Mais il n’en demeure pas moins taciturne et effacé, conformément à sa nature d’officier ayant acquis ses étoiles au front et pas dans les bureaux cossus de Dakar, baignés par l’Alizé et les douceurs de l’Atlantique.  

Malgré ses brillants états de service et le prestige qu’il acquiert auprès des officiers et des hommes de rang, Souleymane Kandé ne fait pas l’unanimité chez les hauts-gradés. Un de ses aînés, officier à la retraite souligne : « Jules est jeune et mène une carrière brillante qui, vu son âge et ses victoires, le dirige naturellement vers le poste de Chef d’État-major général des Armées (CEMGA). Ce que de nombreuses personnes redoutent. C’est pourquoi ils veulent l’éloigner en Inde où il n’a rien à faire. Mais je puis garantir qu’il est un homme très déterminé ».

Alors, attaquera-t-il le décret l’exilant à New Delhi ou pas ? Wait and see !

(SOURCE : 5 SUR 5 HEBDO)